De Benoît Jacquot
avec Vincent Lindon, Stacy Martin, Valeria Golino
Au XVIIIe siècle, Casanova, connu pour son goût du plaisir et du jeu, arrive à Londres après avoir dû s’exiler. Dans cette ville dont il ignore tout, il rencontre à plusieurs reprises une jeune courtisane, la Charpillon, qui l’attire au point d’en oublier les autres femmes. Casanova est prêt à tout pour arriver à ses fins mais La Charpillon se dérobe toujours sous les prétextes les plus divers. Elle lui lance un défi, elle veut qu’il l’aime autant qu’il la désire
Spectral et désabusé tel nous apparaît Casanova vieillissant au tout début du film. Nous sommes en 1793 château de Dux en Bohême. Reclus dans sa fonction de bibliothécaire, il écrit ses mémoires historia de mi vida. À la demande expresse d’une jeune femme qui l’interroge sur ses conquêtes, il consent à "raconter" un épisode inoubliable de sa vie amoureuse, vécu 30 ans auparavant, comme une douloureuse exception. Exception que Benoît Jacquot traite en couleurs feutrées ou crépusculaires sous forme d’un flash-back. Parant ainsi le propos de la fonction thérapeutique ou dérisoire de la mémoire? Qui sait? Quoi qu’il en soit, la structure narrative adoptée -qui oblige à des allers-et-retours entre le présent, le moment de la narration et l’épisode rapporté, impose une facture classique pour ne pas dire scolaire, d’autant que les commentaires laconiques, des truismes de surcroît, et les questions de la jeune fille, semblent récités
Si la vacuité de l’existence des aristocrates anglais est bien restituée (encore que les ambiances de lupanar sont assez soft…) si l’opposition entre frugalité imposée (le désir de posséder ne pourra être assouvi) et obsession de nourriture (nombreuses scènes de repas en intérieur ou extérieur) est patente, si la dialectique imposée par la jeune courtisane corrobore les convictions de Casanova (on n’aime jamais autant que lorsque l’on est éconduit), si la beauté visuelle est incontestable, on est loin d’être habité par ce film tout comme on a l’impression que les personnages eux-mêmes ne sont pas habités...
On pourra toujours rétorquer que le primat accordé au "cérébral" sur l’émotion est un choix délibéré. Que le cinéaste nous confine dans la position de "spectateur", à l’instar de Casanova condamné à "être regardeur" N’empêche !
Colette Lallement-Duchoze