d'Etienne Kallos (Afrique du Sud)
avec Brent Vermeulen, Alex van Dyk, Juliana Venter
Présenté au festival de Cannes ( un Certain Regard)
Afrique du Sud, Free State, bastion d’une communauté blanche isolée, les Afrikaners. Dans ce monde rural et conservateur où la force et la masculinité sont les maîtres-mots, Janno est un garçon à part, frêle et réservé. Un jour, sa mère, fervente chrétienne, ramène chez eux Pieter, un orphelin des rues qu'elle a décidé de sauver, et demande à Janno de l'accepter comme un frère. Les deux garçons engagent une lutte pour le pouvoir, l'héritage et l'amour parental.
Une voix off -celle de la mère- supplie Dieu de faire de son fils un être fort "faites que son sang soit fort; faites que sa semence soit forte" Entendons "afin que vive, survive notre propriété...
Après avoir entendu ces vœux , nous voyons Janno l'adolescent aider son père (sévère) dans l'accomplissement de tâches journalières (mener le troupeau au fouet entre autres); l'occasion pour le réalisateur de filmer en plans larges et/ou panoramiques les immenses champs, avec une lumière tamisée qui nimbe paysages et personnages d'une sorte de brume. Il en ira de même pour les intérieurs où dominent les contre-jours, comme dans les toiles flamandes. Ce parti pris de lumière, qui au début peut gêner, semble illustrer une atmosphère où se marient étrangeté et enfermement!
Travaux des champs (magnifique gros plan sur les lames de moissonneuses batteuses, plan resserré sur le troupeau ou les oeufs qui vont éclore dans une couveuse), rites de la prière et des repas partagés. L'équilibre (apparent) est rompu avec l'arrivée de Pieter -un gars de la ville, un junkie- que la mère prend sous son aile protectrice décidée à le "sauver"; elle enjoint Janno de lui "ouvrir son coeur"
S'ensuivra une lutte fratricide -pour avoir la faveur des parents et ... la propriété en héritage. Cette lutte (on se méfie, on s'espionne, on se bat, on s'invective) est au coeur du film d'Etienne Kallos (Sud-Africain d'origine grecque) . C'est elle qui transforme une chronique en tragédie à l'antique (avec son acmé: l'embrasement!). C'est à travers elle que le réalisateur dénonce le caractère suranné d'une famille ultra conservatrice qui cultive avec la même "foi" ses terres immenses et son amour de Dieu!
On peut se poser la question: le système autarcique ancestral d'une communauté afrikaner a-t-il encore sa raison d'être? (cf la peur panique des assassinats de fermiers); la fameuse "terre de nos ancêtres" à sauvegarder à tout prix, n'a-t-elle pas été usurpée??
Or la construction circulaire du film (reprise de la séquence d'ouverture) laisse supposer que ce système va perdurer !!!
Colette Lallement-Duchoze