Documentaire réalisé par Almudena Carracedo et Robert Bahar (Espagne)
Goya espagnol du meilleur documentaire
1977. Deux ans après la mort de Franco, dans l’urgence de la transition démocratique, l’Espagne vote la loi d’amnistie générale qui libère les prisonniers politiques mais interdit également le jugement des crimes franquistes.
Les exactions commises sous la dictature et jusque dans les années 1980 (disparitions, exécutions sommaires, vols de bébés, torture) sont alors passées sous silence. Mais depuis quelques années, des citoyens espagnols, rescapés du franquisme, saisissent la justice à 10.000 kilomètres des crimes commis, en Argentine, pour rompre ce « pacte de l’oubli » et faire condamner les coupables.
De ses mains ridées par les ans elle lisse ses blancs cheveux en chignon ; sa voix nous parvient étouffée dans sa raucité ; elle avance avec son déambulateur à pas comptés jusqu’au lieu de son rendez-vous : le charnier désormais recouvert de bitume où sa mère accusée d’être une "rouge" fut tuée avec trente autres personnes au tout début de la dictature de Franco. Elle y dépose régulièrement un bouquet, la mémoire contre l'oubli!
C’est sur cette séquence à la douleur majestueuse que s’ouvre le documentaire d’Amuldena Carracedo et Robert Bahar….Cette femme c’est Maria Martin - 4 ans au moment de la tragédie. Ses vœux les plus chers ? Que sa mère soit enterrée au cimetière du village aux côtés de son mari. Cette octogénaire nous la verrons à intervalles réguliers dans le film -tant son destin est emblématique- ainsi que cette bande passante de bitume qui masque l’horreur...Maria a consigné -et c'est son reliquaire- tous les courriers envoyés aux différents organismes pour avoir gain de cause. En vain (quand les poules auront des dents?)
Au tout début du film nous voyons aussi José dit Chato conduire l’équipe devant la maison où vit Billy el Nino ce tortionnaire qui a sévi pendant plus de 20 ans et jamais condamné..C’est que la loi d’amnistie promulguée en 1977 empêche(ait) tout recours de plaignants. A 22 ans, militant non politisé, Chato a subi des tortures dont le récit arrache les larmes !!
Les autres personnes interviewées dans ce documentaire sont des enfants de républicains tués par les miliciens de Franco, des victimes de la dictature, ou encore des filles mères auxquelles furent arrachés leurs bébés (années 1950) Tous écœurés par la loi du "silence" tentent avec pugnacité de la briser afin que triomphe la justice (rien à voir avec la vengeance comme le clament ceux qui y sont hostiles pour discréditer la démarche). Et puisque les tribunaux espagnols rejettent leur requête ils iront plaider en Argentine (rôle efficace de la juge Maria Servini)
Vies saccagées, Bataille opiniâtre, Luttes individuelles ou collectives , voilà ce que montre le documentaire produit par Almodovar.
Des encarts situent l’époque et les lieux ; des images d’archives rappellent aux mémoires oublieuses la tragédie. Un montage alerte efficace ; des témoignages bouleversants. Une musique expressive sans être illustrative!
Contre l'oubli!
Un documentaire à ne pas rater!!
Colette Lallement-Duchoze
Oui, tout à fait d'accord avec la belle critique de Colette ci-dessus.
Documentaire indispensable pour comprendre la douleur que provoque l'omerta organisée par l'Etat espagnol depuis 1977, des atrocités du franquisme.
D'une façon un tout petit peu moindre, on ne peut s'empêcher de penser à la jeunesse Française et sa méconnaissance de la guerre d'Algérie, celle-ci n'étant pas inscrite aux programme scolaires d'Histoire.
Rappelons qu'un peuple sans mémoire est un peuple sans futur...
Serge Diaz 15/02