de François Ozon
avec Melvil Poupaud (Alexandre) Denis Ménochet (François) Swann Arlaud (Emmanuel) Josiane Balasko (mère d'Emmanuel) Hélène Vincent (mère de François) François Marthouret (Mgr Bernardin) Bernard Verley (père Preynat) Frédéric Pierrot (le capitaine Courteau) Eric Caravaca (Gilles)
Grand prix du jury Berlinale 2019
Alexandre vit à Lyon avec sa femme et ses enfants. Un jour, il découvre par hasard que le prêtre qui a abusé de lui aux scouts officie toujours auprès d’enfants. Il se lance alors dans un combat, très vite rejoint par François et Emmanuel, également victimes du prêtre, pour « libérer leur parole » sur ce qu’ils ont subi. Mais les répercussions et conséquences de ces aveux ne laisseront personne indemne.
"grâce à Dieu les faits sont prescrits" dit pince-sans-rire Mgr Barbarin (excellent François Marthouret) , lors d’une conférence de presse en 2016 ; un intervenant s’insurge contre l’incongruité de tels propos "oui c’est vrai je m’en excuse" rétorque patelin l’archevêque de Lyon (ben voyons). Est-ce ce faux lapsus qui a dicté à Ozon le titre de son film ? Assurément ? Peut-être ? Un titre polysémique donc...et polémique ! Rappelons que le premier titre était « L’homme qui pleure » (accent mis sur la douleur des victimes et sur la dignité de leurs larmes)
Laissons de côté les démêlés avec la justice (les médias ont suffisamment pris le relais) passons outre la documentation qui a présidé à la genèse du film et osons faire entendre une voix légèrement dissonante dans le concert de louanges (elle concerne plus la forme que le fond)
Voici un homme d’Eglise (archevêque?) vu de dos, il avance lentement brandissant un immense ostensoir (?) (la caméra le suit en travelling) puis il s’arrête, surplombant la ville, il semble être au-dessus de ...tout...soupçon.... Ce plan d’ouverture (que nous retrouverons une fois en écho) me semble trop appuyé (même et surtout s’il est censé opposer la superbe de l’Église, de ses représentants au désarroi de ceux qui furent victimes d’actes pédophiles jamais condamnés)
Et pour illustrer le parcours des trois victimes, le cinéaste opte pour une structure très classique : mettre au premier plan et successivement chacune des trois en accordant un soin très méticuleux à montrer ces adultes dans leur quotidien, leur intimité, trente ans après les faits. Par moments le passé resurgit sous forme de flash back (voici de très jeunes scouts sous l'égide du père Preynat …la "relation" restera pudiquement hors champ)
Une forme très convenue de "découpage"
A cela s’ajoute une alliance "faussée" entre la véracité, (l'authenticité documentaire) celle des faits rapportés (entretiens avec Régine Maire, avec le père Preynart, avec Mgr Barbarin, échange de courriels, dépôt de plainte en gendarmerie, création de l’association "parole libérée"), et le travestissement fictionnel ! Le film à trop vouloir "coller aux faits" se fait illustratif voire didactique : le moindre dialogue, le moindre geste, le moindre regard, tout n’existe que par rapport à la "mécanique" du film ! avec parfois une impression désagréable de mauvaise théâtralisation (cf les réunions, la vie familiale d'Alexandre)
Cela étant, les acteurs Melvil Poupaud Denis Ménochet et Swann Arlaud jouent à merveille leur partition d’ex scouts, traumatisés, Josiane Balasko et Hélène Vincent celle de mères aimantes !
«Sinite parvulos venire ad me» (évangile selon saint Luc) laissez venir à moi les petits enfants. C’est au nom de ce précepte que des représentants de l’Église auraient abusé de la crédulité de garçonnets (certains recevaient avec orgueil les faveurs de leur prêtre, car ils se croyaient des "élus") et de la confiance de leurs parents (même et surtout les plus catholiques, pratiquants de surcroît)
Le réalisateur s‘attaque moins à deux figures de l’Église (le Père coupable de pédophilie, l’archevêque coupable de complicité pour l’avoir protégé) qu’à une Institution qui prône le silence, pratique l’omerta et bafoue ses règles fondamentales pour ne pas dire cardinales. (Question d'interprétation: les spectateurs ayant assisté à l'avant-première en janvier, en présence du réalisateur, pourront infirmer ou corroborer ces propos ...)
Oui la parole doit être libérée, sans entrave !
Colette Lallement-Duchoze