de Guillaume Nicloux
avec Gaspard Ulliel, Guillaume Gouix, Lang-Khé Tran, Gérard Depardieu
Festival de Cannes (Quinzaine des Réalisateurs)
Indochine 1945. Robert Tassen, jeune militaire français, est le seul survivant d'un massacre dans lequel son frère a péri sous ses yeux. Aveuglé par la vengeance, Robert s'engage dans une quête solitaire et secrète à la recherche des assassins. Mais sa rencontre avec Maï, une jeune Indochinoise, va bouleverser ses croyances..
Tête tranchée sanguinolente, phallus couvert de sangsues, corps encagés recroquevillés dans la douleur et la peur, gros plan sur des blessures, collier de langues et d’oreilles, corps tuméfiés lacérés, corps fragmentés, corps dégoulinant de sueur pendant l’acte sexuel, c’est bien dans et par sa matérialité que le corps est au centre du film de Nicloux, tout comme il est la métaphore de la dichotomie qui l’infuse: amour et haine, vie et mort. Le sang et sa double connotation ; le sexe lui-même qui dicte une approche très viriliste de la guerre.
L’épisode du 9 mars 1945 - point de départ du film- à savoir la riposte des Japonais - qui occupaient momentanément le Tonkin- pour éliminer -entre autres- la présence française, est le déclencheur d’une guerre intime : Robert Tassen (Gaspard Ulliel) seul rescapé de la tuerie est décidé à trouver et punir les assassins de son frère ; en particulier Vo Binh.-qui deviendra la cause de tous les maux- La rencontre dans un bordel français en Indochine (le perroquet) d’une prostituée (Lang-Khé Tran) dont il s'éprend, suscite une prise de conscience : les frontières entre ennemi et ami seraient-elles poreuses ?
Le titre du film suggère une démarche d’explorateur. Mais c’est bien aux confins d’une âme mue par une folie vengeresse que nous conduit le réalisateur. À travers des chemins tortueux (ceux d'un recrutement paradoxal, ceux de la jungle, ceux de paysages intérieurs révélés par l’opium) qu’accentue un montage fait d’ellipses et de non-dits.
Plongée dans le poisseux le visqueux où l’ennemi est par essence "mauvais" ; car bien sûr !!! les pires atrocités commises par les Français ne sont que "représailles légitimes" (le barbare c’est l’autre, le monstre sanguinaire, en l’occurrence les insurgés). Il en va de même du Mâle Blanc émancipateur ; de son tout puissant pénis (je ne sais pas si ta bite tiendra jusque-là) il peut imposer sa vision du Monde, d’un monde
Un film à la qualité esthétique incontestable (grain de la pellicule, sons lumières, alternance scènes de jungle et scènes d’intérieur dans la caserne ou le bordel, alternance pluie diluvienne et moiteur) un film au montage original (souvent succession de tableaux comme le défilé de souvenirs que la conscience met en ordre ou désarticule- ce que suggèrent les deux plans en écho au début et à la fin où le personnage principal est assis sur un banc face à la caméra alors que des personnages comme en apesanteur et nimbés de brume avancent derrière lui, ou... reculent) ; mais un film à l’idéologie très discutable voire dangereuse !
Colette Lallement-Duchoze