Documentaire réalisé par Stefano Savona
Oeil d'Or du meilleur documentaire Festival de Cannes 2018 (Quinzaine des Réalisateurs)
Dans la périphérie rurale de la ville de Gaza, la famille Samouni s’apprête à célébrer un mariage. C'est la première fête depuis la dernière guerre. Amal, Fouad, leurs frères et leurs cousins ont perdu leurs parents, leurs maisons et leurs oliviers. Le quartier où ils habitent est en reconstruction. Ils replantent des arbres et labourent les champs, mais une tâche plus difficile encore incombe à ces jeunes survivants : reconstruire leur propre mémoire. Au fil de leurs souvenirs, Samouni Road dresse un portrait de cette famille avant, pendant et après l’événement qui a changé leur vie à jamais.
Une fillette dessine à même le sol l’emplacement du sycomore ; c’est Amal -dont on apprendra qu’elle fut ensevelie sous les décombres pendant 3 jours..- Immense et majestueux cet arbre était l’emblème du quartier et de la famille Samouni en particulier, famille dont Tsahal a décimé 29 de ses membres lors de l’opération « plomb durci » en janvier 2009 Amal intimidée face à la caméra dit ne pas savoir raconter ...mais elle sera notre guide tout comme elle sert de fil conducteur dans ce documentaire aux formes hybrides et à la temporalité éclatée.
En effet Stefano Savona nous immerge d’emblée dans une ville -ou plutôt le quartier Zeitoun- en pleine reconstruction : nous sommes en 2010 ; soit un an après la tragédie. Amal nous entraîne susurre touche avec délicatesse des pousses, montre du doigt les lieux de son enfance ; à nous de les imaginer !!!
Mais comment rendre compte des années qui ont précédé la tragédie ? Comment l’illustrer ? Dans L’image manquante Rithy Panh avait eu recours à des figurines ; Stefano Savona, lui, a demandé à Simone Massi qui utilise la carte à gratter, de créer des images d’animations ; elles vont reconstituer les souvenirs des protagonistes (Et voici que surgissent maisons vergers mosquée, voici que prennent corps les membres de la famille qui furent sauvagement exterminés…). À cela s’ajoutera l’oeil du drone israélien (janvier 2009) qui ne voit que des silhouettes thermiques et qui confond planches de bois et lance-roquettes...épisode d’une rare intensité mais qui correspond si bien à la stratégie de Tsahal (cf Le livre noir de l’occupation israélienne ; les soldats racontent 2013). Retour aux images du présent 2009 : celles des ruines ; celles des survivants arpentant les tonnes de gravats..La future mariée ne peut contenir ses larmes « pourquoi nous marier ? Si nous allons manquer à nos enfants comme nos parents nous manquent » Une séquence douloureuse et bouleversante qui nous met face aux rescapés et à leurs mutilations (psychologiques)
La dernière partie du film revient à son point de départ soit 2010 alors que se prépare la fête : célébration du mariage. Le documentaire se clôt ainsi sur un authentique hymne à la Vie (Résilience? peut-être !)
En optant pour ce dispositif assez complexe, le réalisateur vise à « redonner aux Samouni une existence longue, et à cesser de les ensevelir tous, les vivants et les morts sous le poids de l’événement fatal ».
Une famille de paysans non politisée, mais consciente de toutes les récupérations politiques (dont celle du Hamas ; à noter ici qu’une certaine critique s’en gargarise et justifie l’opération « plomb durci » comme riposte aux tirs de roquette; ce prétendu bien-fondé risque d’évacuer l'essentiel…l'épisode des condoléances et la présence des représentants politiques ne dure que quelques minutes dans le film..;)
Une famille établie à Gaza depuis des générations bien avant la partition, bien avant l’arrivée de réfugiés
Une famille vivant de ses oliveraies de ses vergers, de tous les travaux des champs
Une famille qui désormais va connaître le sort des réfugiés même si un an après la catastrophe elle réussit à « transformer une étendue de décombres et de terre rouge en un quartier cultivé et verdoyant »
Un documentaire coup de poing
Un documentaire à ne pas rater!!
Colette Lallement-Duchoze
PS à noter le lien (démontré) entre l'industrie des bijoux et les violations des droits de l'homme par Israël...
Ainsi en 2012 a été mis à jour le lien entre le groupe de diamants Steinmetz (SDG) et la brigade Givati responsable du massacre de la famille Samouni à Gaza...