30 novembre 2018 5 30 /11 /novembre /2018 16:48

de Marcelo Martinessi (Paraguay)

avec Ana Brun , Margarita IrúnAna Ivanova  Regina Duarte, Alicia Guerra, Nida Gonzalez

 

Berlinale 2018 : prix Ours d’Argent meilleure interprétation féminine ; prix Alfred Bauer ; prix critique internationale

Asuncion, Paraguay. Chela, riche héritière, a mené la grande vie pendant 30 ans avec Chiquita. Mais au bord de la faillite, elle doit vendre tous ses biens et regarde Chiquita, accusée de fraude, partir en prison. Alors qu’elle n’a pas conduit depuis des années, Chela accepte de faire le taxi pour un groupe de riches femmes âgées de son quartier et fait la rencontre de la jeune et charmante Angy. A ses côtés, Chela prend confiance en elle et cherche à ouvrir un nouveau chapitre de sa vie.

Les héritières

Très souvent les premiers plans encodent le film : ici on assiste à une dépossession -de biens matériels- à travers le regard d’une femme en retrait ; clair-obscur, lumières feutrées, ambiance floue, les pas sur le sol résonnent comme le tic tac de l’horloge du temps. Un interstice -embrasure d’une porte- d’où l’on peut épier et entendre un état des lieux, un inventaire : vaisselle mobilier à vendre... Caméra subjective donc !

Chela (la femme en retrait) et sa compagne Chiquita (plus alerte et gaillarde) sont contraintes de se débarrasser de leurs biens pour "survivre" . A l’opulence (suggérée) succédera l’enfermement : prison pour Chiquita (fraude fiscale?) solitude forcée pour Chela qui telle une ermite se coupe du monde extérieur dans cette maison désormais vide.  Muette -souvent- elle assiste hébétée et passive à ce qui la concerne au premier chef : on "brade"  son passé comme on "brade"  tous ses biens…

Hormis la voiture ! Et c’est précisément grâce à elle (Chela sera chauffeur de taxi pour gagner sa vie) que le personnage jusque-là neurasthénique, se réveille et que son corps éprouve à nouveau le désir (suite à la la rencontre avec Angy). La caméra quitte le décor de la maison vide ou du club des bridgeuses ou de la prison pour femmes et s’aventure aux côtés de la conductrice sur un horizon élargi (le défilé incessant de camions sur l’autoroute rythme différents aperçus de paysages comme autant de morceaux éclatés du pays). Chela ouvre les yeux !!!!

 

On devine l’empathie du réalisateur pour ses personnages : en variant les angles de vue sur le visage de Chela, en insistant sur sa passivité ou plus tard en la faisant accéder à la lumière dans un éclat solaire, il semble avant tout pénétrer une conscience ; en montrant les vieilles bridgeuses avec leurs breloques et leur maquillage outrancier, il ne les ridiculise pas, mais quand s’amorce la valse des prédatrices, nulle tendresse pour ces bourges ignares...

 

Marcelo Martinessi procède par ellipses et non-dits dans son film d’atmosphère où il n’y a quasiment pas d’hommes. Et seuls des regards échangés, les paroles de chansons ou les commérages des vieilles vont aider le spectateur à  "deviner"  le contexte politico-économique du pays. Mais trop de distanciation peut confiner à une sorte d’effacement. Dommage !

Reste le portrait d’une femme fragile et troublée à la gravité tranquille qui à 60 ans s’engage dans une voie nouvelle. (admirablement interprétée par Ana Brun)

Si la voiture est sans conteste la métaphore de l’ouverture au monde, la page que vient de tourner Chela serait-elle celle de l’histoire de son pays ?

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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