Long métrage d'animation de Michel Ocelot France Belgique
Dans le Paris de la Belle Époque, en compagnie d’un jeune livreur en triporteur, la petite kanake Dilili mène une enquête sur des enlèvements mystérieux de fillettes. Elle rencontre des hommes et des femmes extraordinaires, qui lui donnent des indices. Elle découvre sous terre des méchants très particuliers, les Mâles-Maîtres. Les deux amis lutteront avec entrain pour une vie active dans la lumière et le vivre-ensemble…
Elle s’appelle Dilili ; originaire de Nouvelle Calédonie, elle est à Paris ; elle s’exprime dans un français impeccable pour ne pas dire « châtié » -celui que lui a enseigné Louise Michel. Sous l’égide d'une comtesse, elle veut prendre le temps de se familiariser avec le Paris de la Belle Epoque. Mais sa déambulation dans la capitale se transforme très vite en enquête-cauchemar : des Mâles-Maîtres sévissent dans les entrailles de la ville réduisant en esclavage les fillettes capturées ; il faut les débusquer ; il faut les punir ; elle est aidée par Orel à bord d’un triporteur -qui allègrement dévale rues, escaliers, ou d’un bateau cygne qui glisse sur les eaux dans les égouts de Paris ; avant qu’elle ne soit elle-même victime de ces bourreaux misogynes...rejoignant le "troupeau" des fillettes encagoulées de noir rampant à "quatre pattes" et servant de siège au mâle oppresseur...
Et voici que défilent tous les artistes écrivains peintres (Picasso Toulouse Lautrec Monet Rodin Proust ) la cantatrice Emma Calvé, les scientifiques Pasteur, les figures féministes Colette, Sarah Bernhardt, Marie Curie , Louise Michel, les inventeurs Santos-Dumont...Tous nimbés d’une aura quasi céleste ils sont comme les « phares » de la culture (on pense au poème de Baudelaire) , ils seront les guides, ils apporteront un soutien dans la lutte contre les mâles- maîtres. Leurs noms ? La petite Dilili les inscrit sur son calepin (d’ailleurs les feuilles arrachées joueront le rôle d’indices quand Orel partira à sa recherche alors qu’elle a été kidnappée )
La scène d’ouverture aura eu le privilège de "surprendre" le spectateur. Est-on au pays de Kirikou ?? Un plan élargi et un travelling ascendant vont vite démentir cette première impression….
Sinon le conte et sa parabole féministe, la revendication de l’altérité, (alors que triomphe le racisme) la lutte contre l’injustice et la traque des mâles oppresseurs, pèchent par un excès d’explications (ah didactisme quand tu nous tiens) et une tendance fâcheuse au catalogue (on croit lire le bottin) que dessert une diction trop scolaire ! Manque de nuances, facticité du procédé !
Certes il y a la technique, la profusion de couleurs, des ambiances, des univers à la Douanier Rousseau, d’autres très oniriques et comme nous sommes dans le Paris du début du XX° siècle la musique de Satie (entre autres). De plus Ocelot a retouché ses propres photographies de Paris afin de les faire « coller » à la réalité de la Belle Epoque. Il joue sur l’alternance contrastée entre le Paris de l’animation aux couleurs franches vives traitées en aplats, un graphisme qui rappelle l’enluminure et le sépia des photos retouchées ; de même qu’il joue sur l’opposition entre lumière et ombre -lumière des premières révoltes féministes et noirceur d’un monde chthonien où règne le mâle oppresseur-
Pour autant son message sera-t-il audible pour un gamin ? On peut en douter…Quant à l’adulte accompagnateur s'il éprouve le plaisir de « reconnaître » dans l’immense défilé tel ou tel artiste, sera-t-il à même de le partager???
Quoi qu'il en soit, laissons opérer la magie du conte: le public est transporté par la voix de Nathalie Dessay, le voici à bord d’un dirigeable au-dessus des « miasmes morbides » dans un bleu constellé d'étoiles. L'Ennemi a été vaincu !!
Colette Lallement-Duchoze