De Constantin Popescu (Roumanie)
Avec Bogdan Dumitrache, Iulia Lumanare
Argument: Cristina et Tudor Ionescu forment une famille heureuse avec leurs deux enfants Maria et Ilie. Ils ont la trentaine, vivent dans un bel appartement en ville. Il travaille dans une entreprise de téléphone elle est comptable. Un dimanche matin, alors que Tudor se trouve avec les enfants au parc, Maria disparaît ...
Comment "survivre" à la disparition d'un être cher, son enfant? Confrontés à l’horreur de l’évidence, le corps et l’âme ne sont plus que lambeaux ; lacérés déchiquetés ils ne sont plus que souffrance et suffocation dans la solitude et la quête d’un improbable retour. C’est tout cela que Christian Popescu illustre et rend "palpable" dans Pororoca pas un jour ne passe…(Pororoca désigne un phénomène naturel et ravageur en Amazonie)
Les choix stylistiques (plans-séquences, caméra portée, attention particulière accordée aux objets, bruitage) sont au service d’une construction où jamais ne sont surlignées les différentes étapes tant elles s’incorporent naturellement à la dramaturgie. À l‘insouciance heureuse -un dimanche dans le parc, traité en un plan-séquence de plus de 15’- succède la panique -Maria a quitté subitement le champ de vision et de la caméra et de son père Tudor ; à la panique, le désespoir -les tentatives de la gendarmerie semblent frappées d’inanité- au désespoir l’obsession dévastatrice.
Le couple se délite et à partir du moment où Cristina décide d’aller rejoindre "provisoirement " ses parents avec Ilie, Constantin Popescu s’intéressera aux "ravages" exercés sur le père (coupable d'un moment d’inattention???). L’acteur Bogdan Dumitrache sera de tous les plans jusqu’à envahir l’écran...
Dès lors, le réalisateur met en présence deux forces qui progressivement vont s’interpénétrer : le monde extérieur (Popescu comme d’ailleurs Mungiu Pui Porumboiu, privilégie en les répertoriant les objets même les plus anodins et leur confère un pouvoir sinon symbolique du moins signifiant) et l’enfermement intérieur. Ce dernier ayant le pouvoir de contaminer le premier (voyez par exemple ces toits cette terrasse ce coin de parc ce vélo, progressivement dépossédés de leur entité propre par la "caméra subjective") . La bande-son accentue les bruits habituellement anodins (vaisselle que l’on range couvercle que l’on déplace) comme un partition grinçante. On assiste hébété à une désintégration de ces deux univers réel et mental (et la dernière séquence est d’une violence insoutenable -personnes sensibles attention!!!) L’enquête obsessionnelle de Tudor a tourné au cauchemar entraînant le spectateur dans des abysses mortifères
Une orchestration "savante" de l’espace (parc, appartement, filature du « supposé » kidnappeur espace mental) Un temps suspendu ou qui s’étire. Une volonté de laisser ouvertes toutes les hypothèses! . Une interprétation hors norme pour donner corps à une douleur hallucinée. Tout cela fait de Pororoca un film incontournable
Colette Lallement-Duchoze