de Julian Rosefeldt Allemagne
avec Cate Blanchett, Ralf Tempel, Andrew Upton
Manifesto rassemble aussi bien les manifestes futuriste, dadaïste et situationniste que les pensées d’artistes, d’architectes, de danseurs et de cinéastes tels que Sol LeWitt, Yvonne Rainer ou Jim Jarmusch. A travers 13 personnages dont une enseignante d’école primaire, une présentatrice de journal télévisé, une ouvrière, un clochard… Cate Blanchett scande ces manifestes composites pour mettre à l’épreuve le sens de ces textes historiques dans notre monde contemporain.
Des lettres capitales énormes, blanches sur fond noir, défilent avec une étonnante rapidité : on peut lire les noms de Lars von Trier, Claes Oldenburg, Tristan Tzara, Marx, J Cage, Picabia ... C'est le prologue
Et voici qu’apparaît Cate Blanchett. À chaque manifeste, elle prêtera sa voix avec un accent particulier se travestissant en présentatrice de TV, maîtresse d’école, veuve, femme bourgeoise, clochard, chorégraphe, ouvrière, marionnettiste. Tout cela afin de confronter l’art à notre monde contemporain : la crise économique et le clochard, le catholicisme bien pensant et la femme bourgeoise par exemple. Déclamation dans des situations du quotidien (cimetière, plateau télé, repas,..) En combinaison anti-radiations la scientifique pénètre dans une pièce où un monolithe n’est pas sans rappeler 2001 odyssée de l’espace de Stanley Kubrick…
Les décors travaillés voire léchés (à l’instar de certaines installations) renvoient à des univers plastiques (ainsi de cette table de salle à manger vue en plongée comme dans un film de Jarmusch) à des vidéos ou photos
Les extraits de manifestes -dont le dadaïsme de Tzara, le surréalisme de Breton, le futurisme de Marinetti, le courant fluxus avec Vostell, le Dogme 95 des Danois Lars von Trier et Vinterberg etc - délibérément ne respectent pas l’ordre chronologique sans toutefois aller à l’encontre du précepte "faire table rase de ce qui a précédé", car tous insistent sur la dialectique construction/destruction et dans leur "mixage" ils semblent énoncer une vérité à la fois ’évidente et paradoxale : toute révolution artistique "reproduit" plus ou moins, tout en la condamnant, la révolution qui l’a précédée; le nothing is original du prologue (en lettres capitales) avait alerté le spectateur !!!!
Rappelons que cette accumulation/installation Julian Rosefeldt l’avait initialement réalisée in situ. C’était une exposition, avec la diffusion simultanée de différents films sur 13 écrans. En faisant un long métrage, c’est-à-dire en passant du simultané au montage parallèle, manifesto peut être perçu par certains comme un exercice conceptuel non pas dénué d’intérêt mais vite déconcertant malgré son humour -dû souvent au décalage entre les propos déclamés par une Cate Blanchett au top de sa forme et l’image -Ou un exercice rébarbatif pour d’autres; d’autant que les différents courants ne sont pas mis en perspective et qu’ils ne sont pas contextualisés... mais ce n’était nullement le propos…
Retenons le double "message" de cette accumulation
importance de l’art -le plus iconoclaste fût-il- dans notre monde désormais soumis aux diktats de l’argent et des médias
inanité de tout manifeste « j’écris un manifeste car je n’ai rien à dire » (Tristan Tzara )
Un film que personnellement je recommanderais à tous les cinéphiles, (le visuel est époustouflant) et à tous les amoureux de l’ART !! (l'audace et sa force sinon persuasive du moins suggestive)
Colette Lallement-Duchoze