Documentaire réalisé par Nicolas Wadimoff 2017 (Suisse)
En 1964, le Che demanda au jeune Jean Ziegler de rester en Suisse pour lutter depuis le « cerveau du Monstre capitaliste ». Par la suite, comme écrivain, professeur, député et collaborateur de Kofi Annan, l’homme n’a eu de cesse, à travers ses livres et ses discours, de fustiger les injustices, le pouvoir des oligarchies capitalistes et les responsables de la faim dans le monde. Aujourd’hui, à l’âge de 82 ans, ses livres se vendent dans le monde entier et il se bat encore, au sein de l’ONU, pour honorer sa promesse au Che. Son retour à Cuba prend des allures de confrontation entre sa pensée et le destin de cette nation qu’il considère comme matrice des forces anticapitalistes. C’est un dialogue entre réalité et symbolisme : quel futur pour l’anticapitalisme ? Ziegler fait-il partie des vainqueurs ou des perdants face au « Monstre » ?
Un documentaire construit autour de la maxime de Gramsci -qui invitait à marier "le pessimisme de l’intelligence et l’optimisme de la volonté". Voici un ancien élève Nicolas Wadimoff, le réalisateur, il pose les questions (voix off) contredit -souvent- il incarnerait le pessimisme de l’intelligence et voici Jean Ziegler octogénaire infatigable militant altermondialiste communiste, c’est lui l’optimisme de la volonté Il a toujours avec lui trois documents trois aiguisoirs à indignation: une photo d'enfants défigurés par le noma- maladie liée à la malnutrition- le rapport du World Food parce que la faim "c'est le crime organisé" et la Déclaration des droits de l'homme "une arme pour l'insurrection"
Un documentaire qui n’est nullement hagiographie. Ce n’est pas un biopic (le passé sera évoqué en deux courtes séquences d’archives, l’essentiel étant le combat actuel); les contradictions du personnage sont mises à nu, vite éludées d’ailleurs par des sophismes. L’exemple le plus probant concerne la « liberté de la presse » l’essentiel pour le penseur est de constater qu’à Cuba santé alphabétisation sont au rendez-vous, quitte à sacrifier la liberté de la presse (c’est le principe dit des priorités)
Intellectuel sociologue pourfendeur des « fonds vautours », militant à la foi inébranlable en la révolution cubaine (l’essentiel du documentaire est d’ailleurs tourné sur cette île) convaincu qu’un monde plus juste et solidaire est possible, un homme dans l’intimité avec sa femme Erica ou fragilisé sur son lit d’hôpital : c’est l’objet de ce documentaire -portrait. Il s’ouvre sur le rappel de son parcours agrémenté de photos d’archives ; puis nous voyons Jean Ziegler à l’ONU (rapporteur spécial sur la question du droit à l’alimentation dans le monde ; il est aussi membre du Comité consultatif du Conseil des droits de l’homme) et durant son voyage à Cuba en compagnie de sa femme.
On sait qu’il a été autant admiré que détesté (ce dont témoigneraient les procès). Nicolas Wadimoff va au-delà de ce clivage; il dévoile une sagacité d’esprit, une pensée -fût-elle contradictoire- un enthousiasme -fût-il aveugle- et il filme avec empathie Erica la compagne et muse du penseur – Certes elle parle peu dans le documentaire mais son regard son sourire son ironie sont si éloquents !!.
Pénurie affirme-t-elle Non poésie répond-il
Erica va prendre le train "sois prudente à Paris" lui enjoint Jean Ziegler désormais seul, sur le quai…
Un documentaire à ne pas rater!!!
Colette Lallement-Duchoze