De Samuel Maoz 2017 (Israël, Allemagne)
avec Lior Ashkenazi (Michael), Sarah Adler (Dafna), Yonaton Shiray (Yonatan), Shira Haas (Alma), Karin Ugowski (la mère de Michael)
Grand prix du jury Mostra de Venise 2017
Michael et Dafna, mariés depuis 30 ans, mènent une vie heureuse à Tel Aviv. Leur fils aîné Yonatan effectue son service militaire sur un poste frontière, en plein désert. Un matin, des soldats sonnent à la porte du foyer familial. Le choc de l’annonce va réveiller chez Michael une blessure profonde, enfouie depuis toujours. Le couple est bouleversé. Les masques tombent.
Un pas en avant, un pas à droite un pas en arrière un pas à gauche et on revient au point de départ...c’est le principe du foxtrot expliqué illustré par Michael (le père) à la fin du film. C’est son exécution contorsionniste par le fils à un poste frontière ; c’est dans le film de Samuel Maoz la métaphore d’une société gangrenée par son immobilisme - des indices de changements (ici dans l’interprétation de la danse) ne concerneraient que la forme
Construit comme une tragédie à l’antique avec dans chacun des trois actes des rebondissements en écho, le film nous fait d’abord pénétrer dans le huis clos d’un appartement cossu à Tel -Aviv puis nous transporte à un poste frontière tenu par de très jeunes militaires, dont Yonatan le fils de Michael et Dafna, dans une sorte de no man’s land, avant de revenir au point de départ : l’appartement des parents. Une tragédie qui mélange les genres (drame familial, film de guerre, farce absurde) les tonalités (pathétique, humour tragique) mais aussi les formes (inclusion de séquences animées) avec une seule thématique (interrogation sur le passé et le devenir de l’État d'Israël : la mémoire de la Shoah incarnée par la mère de Michael qui a perdu ses repères et ne peut s’exprimer qu’en allemand...la même guerre de conquête et ses mêmes traumas sur deux générations.) .
"déstabiliser le spectateur dans la première partie, l’hypnotiser dans la deuxième et l’émouvoir dans la troisième" tel était le vœu du réalisateur. Pari réussi ? On peut en douter...
Dès le début le spectateur peut être agacé (et non déstabilisé) Pourquoi ? Une bande son trop puissante, des plans en plongée surplombant les personnages ;-dont le réalisateur use et abuse- on pourra toujours rétorquer que cette façon de filmer illustre la métaphore « tragédie du destin dont les dieux seraient les seuls artisans réduisant les êtres humains à de simples marionnettes. »..Ouais...Et comme si cela ne suffisait pas voici cette enfilade de portes qui claquent des cris hurlements quasi hystériques ; qu’ajoutent ces procédés à la douleur torturante de l’absence -les parents viennent d’apprendre la mort de leur fils « tombé en mission » ?. Mais une contre-information -qui en dit long sur la fiabilité du service de renseignements- s'en vient briser la Douleur...Et l’on sera de nouveau confronté à une forme de grandiloquence dans la troisième partie
La deuxième partie serait de loin la plus "réussie" Nous sommes aux côtés du fils à un poste frontière ; le misérabilisme des conditions matérielles se marie avec la boue et la solitude alentour ; à chaque passage de dromadaire il convient de lever la barrière ; mais à chaque passage de Palestiniens le contrôle est plus tatillon on devine même le plaisir sadique d’humilier. Mais ne sommes-nous pas impliqués dans une forme de mirage absurde? Le logement-conteneur s’enfonce dans le sable à raison d’un centimètre par jour ; les automobilistes tels que les voit, fantasme ou dessine Yonatan sont momentanément figés dans des spots de lumière aveuglante et comme dans Valse avec Bachir ces êtres bien vivants sont désincarnés ; la photo qui apparaît en gros plan sur l’écran de contrôle (avec la mention clear) est seule garante d’une existence à redouter ou non dans le climat délétère de la "sécurité à tout prix". Et ce sera la scène de la bavure (contrastant cyniquement avec la déambulation nonchalante du dromadaire) une bavure vite étouffée ….-on enterre voiture et morts tout comme on enfouit la vérité- Rappelons que cette séquence a fait réagir violemment la Ministre israélienne de la Culture (qui n’avait pas vu le film…) Or la devise n’est -elle pas depuis des décennies "tu tires d’abord, tu réfléchis ensuite". Après tout qu’importent les morts si l’honneur de Tsahal est sauf (les soldats étaient en situation de légitime défense) ?
On retrouve dans ce film le lieu commun du soldat enrôlé manipulé pris dans l’engrenage de la violence dont il est complice et/ou témoin. Et c’est là où le bât blesse comme dans Z32 ou Valse avec Bachir : la seule victime à laquelle éventuellement s’identifier serait le jeune conscrit ...(dans la troisième partie de Foxtrot, les aveux du père sur son passé de militaire sont éloquents…)
Ainsi une habile subversion des rôles cloue au silence les vraies victimes ….
Colette Lallement-Duchoze