De Sharunas Bartas (Lituanie France)
avec Mantas Janciauskas (Rokas) Lyja Maknaviciute (Inga) Andrzej Chyra (Andrei) Vanessa Paradis
Présenté au festival de Cannes 2017 (Quinzaine des Réalisateurs)
Rokas et Inga un couple de jeunes lituaniens, conduisent un van d'aide humanitaire depuis Vilnius jusqu'en Ukraine. Ils découvrent un monde en guerre entre ruines et vies dévastées...
Découvert grâce au festival du cinéma nordique il y a plus de 20 ans -Sharunas Bartas avait d’emblée séduit le public rouennais : intrigue arachnéenne, primat de l’émotion sur la narration, science des cadrages, longs plans fixes contemplatifs, admirable beauté formelle. Si dans le dernier opus l’intrigue paraît "simple": un jeune couple lituanien se rend en Ukraine à bord d’un van humanitaire, on ignorera les motivations profondes qui ont poussé Rokas et Inga à entreprendre ce "voyage" hormis cette pulsion scopique revendiquée "voir la guerre au plus près…); de même que tout en étant un film de guerre et sur la guerre (Sharunas Bartas avoue « comprendre » les Ukrainiens car son propre pays fut envahi par deux fois en 1939 et 1991 par les Russes) le réalisateur montre essentiellement l’envers de la guerre : ces coulisses où palabrent des journalistes de différents pays dans un hôtel luxueux d’un autre âge, des maisons éventrées, des bourgs désertés, les passages dangereux de check-point, les contrôles
L’itinéraire est certes ponctué de rencontres (et de débats sur la légitimité de prendre les armes au nom de la patrie par exemple) et ces étapes sont une respiration/ponctuation, mais le parcours est aussi (et surtout) un cheminement intérieur dont la glace la neige le gel vont devenir progressivement le mausolée (la dernière séquence est à tous égards sidérante de beauté formelle et de symbolisme…)
Le réalisateur aime filmer en gros plans les visages mais (et c’est là une constante) le regard ne saurait se substituer à la parole muette. Car le protagoniste semble regarder vers un ailleurs, rechercher une présence qui se dérobe à l’écran et que ce faisant le spectateur ne saurait capter…il n’en reste pas moins désireux de.pénétrer ces arcanes....
Si dans seven invisible men un road movie nous entraînait en Crimée vers cette "cabane" qui abritait une proto humanité, le van de Rokas et Inga nous fait traverser des espaces enneigés avec cette attention si particulière à des pans de ciel, ou de forêts, jusqu’à la destructuration de l’espace, (des stries qui griffonnent l’écran) jusqu’à la confrontation qui lie étroitement amour et mort ; l’étreinte amoureuse épousant celle de la mort....
Colette Lallement-Duchoze