De Giorgi Shengelaya (Géorgie) 1969
avec Avtandi Varazi
Film présenté au festival "à l'Est du nouveau" à Rouen (Fokus sur la Géorgie)
En évoquant la vie et l'oeuvre du peintre naïf Niko Pirosmanichvili dit Pirosmani (1862-1918) le réalisateur Giorgi Shengelaya (né en 1937) nous invite plutôt à une sorte de promenade dans son univers. Refusant la linéarité chronologique, il traite la plupart des séquences à la manière de......Pirosmani ...tout en donnant le primat à la vison intérieure du peintre.
Non pas animer un tableau -le rendre vivant en extirpant les personnages figés sur la toile, comme le feraient ou l'ont fait certains réalisateurs de biopic- Mais le cadre cinématographique est comme un tableau indépendant avec une perspective écrasée -une des caractéristiques de l’art naïf- ;des couleurs en aplats ; des personnages filmés en frontal ou de profil ; un travail sur la (les) lumière(s) que ce soit en extérieur ou intérieur . Puis mettre en parallèle une toile du peintre …qui l'a inspiré! Ou la démarche inverse : montrer d'abord un tableau puis filmer une scène qui donne vie au sujet traité par le peintre (scènes campagnardes et festives, costumes aux couleurs vives par exemple)
Ainsi se superposent deux univers (pictural et cinématographique)
Ainsi à la vie au quotidien dans Tiflis ou à la campagne à la fin du XIX° siècle, répond en écho la vie intérieure du peintre
Un film circulaire : alors que défile le générique et que résonne, religieuse, une musique d’orgue voici en "toile" de fond une peinture : un paysage, des personnages sur une sente, une église ; c’est le prologue ; en écho à la fin le même tableau ; louange mélancolique au peintre ?
Ce film n’est pas seulement un hommage "formel" (une sorte de poème pictural) il s’interroge aussi sur la liberté créatrice, sur le sort dévolu à celui qui la revendique !! Pirosmani serait moins un peintre maudit qu’un individu condamné à l’errance et la marginalisation par son refus réitéré de se plier à… n’importe quel carcan !!!
Deux peintres que nous rencontrons au début dans une taverne vont tenter de faire une exposition de ces toiles qu’ils apprécient ! Mais c’est la critique officielle qui méprise l'oeuvre de Pirosmani et celui-ci retombe dans l’oubli ...jusqu’à une mort prématurée dans le dénuement le plus total.
Ironie du sort ou prémonition ? c’est la fête, on s’embrasse plusieurs fois sur les joues, on rit en pleine lumière, on chante, c’est Pâques….Pâques la fête de la Résurrection ? L’ultime œuvre de Pirosmani est cette toile que nous découvrons par un travelling latéral, une cartographie narrative où la lumière franche exalte l’amour de la Vie..
On pourra dénoncer (et j’en suis) le systématisme du procédé, et préférer l’univers de Paradjanov (Giorgi Shengelaya a d’ailleurs joué dans Sayat Nova...); ce qui ne remet pas en cause la beauté visuelle du film
Colette Lallement-Duchoze