De Cristi Iftime (Roumanie)
Avec Alexandru Potocean Adrian Titieni Lucian Iftime, Lorena Zabrautanu, Nicoleta Hancu, Dan Chlorean
Présenté en compétition au festival "à l'Est du nouveau" à Rouen (2-11 février 2018)
Ténuité de l'intrigue scénaristique, longs plans séquences, problèmes familiaux traités avec réalisme humour ou gravité, ces caractéristiques du cinéma d’auteur roumain nous les retrouvons dans le premier long métrage de Cristi Iftime Marita (ainsi que l’acteur Adrian Titieni qui jouait le rôle du père dans Illégitime d’Adrian Siteru et plus récemment dans Baccalauréat de Cristian Mungiu). Autopsie douce-amère d’une famille, et partant de la vie familiale, Marita est aussi un road movie dans les paysages enneigés de Transylvanie
Le premier plan séquence sert de prologue : car c’est à la "faveur" d’une dispute avec sa petite amie que Costi (Alexandru Potocean) décide de rendre visite à son père (qu’il ne voit plus…depuis belle lurette). Puis il le convie pour Noël dans un chalet avec le reste de la famille (entendons la mère - ex-épouse du père- et les 2 frères), famille recomposée le temps d’une soirée et d’une nuit … La marche vers cette (ré)union inopinée car improvisée, débute dans le huis clos de la voiture, dans l’habitacle de cette fameuse "Marita" -une Dacia- qui devient très vite un personnage à part entière. Ne fut-elle pas le témoin de confidences et disputes ? Mais surtout ses ratés, ses soubresauts, ses accessoires bringuebalants, son pneu qui manque d’air, ne sont-ils pas à l’image de cette famille et particulièrement à l’image du père que nous allons découvrir -un collectionneur de timbres et de ... femmes - qui a raté vie conjugale et familiale ? Et filons la métaphore jusqu’au bout : Marita n’est-elle pas à l‘image d’un pays cabossé qui hoquette, se souvient, reprend vie ?
Filmés d’abord en frontal: le père au volant et son fils Costi à ses côtés puis de dos alors que nous traversons les paysages enneigés et montagneux de la Roumanie. L’acmé du film sera le dîner/réveillon bien arrosé où les souvenirs et les blagues salaces empreints d’une certaine nostalgie assurent (momentanément ?) la cohésion de cette micro-société (à noter que l'ex-épouse, discrète, tranche singulièrement avec la nouvelle que nous avions rencontrée au troisième plan séquence)
Petit budget, choix formels limités. C’est une constante du cinéma roumain
Comment faire ré-advenir le passé sans le recours aux flashback ? Comment éviter le piège du "statisme" ? Le réalisateur a opté pour de longues discussions et/ou monologues du père. La parole en lieu et place de l’image. Paroles du père qui nourrissent l’imaginaire de son fils Costi et déclenchent des rires désopilants..Pour la séquence à table, il a choisi de varier angles de vue et cadrages alors que fusent les rires comme autant de ponctuations .Et c'est grâce à leur performance que les acteurs auront contribué à la réussite de ces choix ….Choix qui n’entraîneront pas forcément l’adhésion du public...
A travers ce ballet fait de ruptures, (scène d’ouverture) d’attentes (les deux séquences suivantes) de réconciliations provisoires, (la longue séquence au chalet) d’incompréhensions transgénérationnelles - le lendemain matin, le petit-fils choisit, par nécessité, de visionner ses dessins animés plutôt que d’embrasser son grand-père- c’est bien le visage de la Roumanie qui affleure en se profilant !
Colette Lallement-Duchoze