de Leonardo Di Costanzo (Italie Suisse France)
avec Raffaella Giordano (Giovanna) , Valentina Vannino (Maria) , Martina Abbate (Rita)
présenté au festival de Cannes (quinzaine des réalisateurs)
programmé à l'Ariel Mont Saint Aignan (Settimana italiana 14-20 février 2018)
Naples. Aujourd’hui. Giovanna, travailleuse sociale combative de 60 ans, fait face à une criminalité omniprésente. Elle gère un centre qui s’occupe d’enfants défavorisés et offre ainsi une alternative à la domination mafieuse de la ville. Un jour, l’épouse d’un criminel impitoyable de la Camorra, la jeune Maria, en fuite avec ses deux enfants, se réfugie dans ce centre. Lorsqu’elle lui demande sa protection, Giovanna se retrouve confrontée, telle une Antigone moderne, à un dilemme moral qui menace de détruire son travail et sa vie.
Comment la mafia -qui reste hors champ – contamine par la peur qu’elle suscite, les relations sociales à l’intérieur d’un centre d’aide à des enfants des quartiers pauvres de Naples, c’est tout l’enjeu de ce film qui tient à la fois du documentaire et de la fiction
Un film construit sur une unité de lieu : la Masseria qui va devenir un personnage à part entière. Enclave cernée par les tours de béton (cf les premiers plans) cette ville miniature -avec ses allées et venues, son mouvement, ses activités mais aussi ses tensions est un havre de réconfort une alternative à la puissance mafieuse. Cette structure sociale auto financée est animée par des bénévoles et dirigée par Giovanna -une des fondatrices- Giovanna -au regard bleu acier, celle que l’on respecte, celle qui prône la philosophie du vivre ensemble quelle que soit l’origine des parents, quel que soit leur passé proche ou lointain.
L’arrivée de Maria l’épouse d’un criminel de la mafia locale vient enrayer le mécanisme : l’unité du groupe se fissure. Seule Giovanna garde intacte sa foi en une conciliation, réconciliation; mais de sa décision dépendra l'avenir du Centre... L’exemple de Rita lui donnerait-il raison ? Rita l’aînée des deux enfants de Maria s’intègre progressivement au groupe- la caméra qui filme à sa hauteur en illustre les différentes étapes. Mais la dernière séquence -celle de la fête où triomphe Mister Jones ce robot fabriqué par des gamins dont Rita – est aussi celle où triomphe la volonté des mères et des officiels...une volonté dominée par la Peur!
Le personnage de Maria l'intruse, (certains gros plans sur son visage ovale en font presque une madone de la peinture italienne) intrigue de bout en bout ; car le film suggère plus qu’il ne dit explicitement. Son apparence farouche, ses réparties violentes ou ses fins de non recevoir ne cachent-elles pas une blessure profonde ? Elle n’obéit pas aux sommations de la belle famille, elle ne rend pas visite à son mari écroué… Or elle subit à la fois le mépris et l’opprobre, recluse telle une bête traquée (seule Giovanna a sondé cette tourmente intérieure) Que signifie son départ précipité – à l’insu de tous ???
Concilier ses principes et les pièges du réel c’est le combat de Giovanna. Elle est quasiment de tous les plans. (en face à face avec les officiels ou Maria, fondue dans le groupe pour participer aux activités collectives ou seule dans le silence de son dilemme!!). Sa performance ? Rendre palpable et tangible cette vibration intérieure faite de rage et d’amour. Et la scène récurrente où la caméra la suit au moment crépusculaire, déambulant seule, dans la ville, illustre peut-être sa marche vers.....Réalisme ? Utopie ?...
Colette Lallement-Duchoze