La Cordillera (titre original)
De Santiago Mitre (Argentine)
Avec: Ricardo Darín (le président argentin Hernán Blanco), Érica Rivas (Luisa Cordero), Dolores Fonzi (Marina Blanco), Paulina García (la présidente chilienne Scherson), Daniel Giménez Cacho (le président mexicain Sastre), Elena Anaya (Claudia Klein), Alfredo Castro (García l'hypnotiseur), Gerardo Romano (Castex), Leonardo Franco (le président brésilien Oliveira Prete), Christian Slater (Dereck McKinley), Gabriela Pastor (Natalia)...
Présenté au festival de Cannes (Un Certain Regard)
Argument
Au cours d’un sommet rassemblant l’ensemble des chefs d’État latino-américains dans un hôtel isolé de la Cordillère des Andes, Hernán Blanco, le président argentin, est rattrapé par une affaire de corruption impliquant sa fille. Alors qu’il se démène pour échapper au scandale qui menace sa carrière et sa famille, il doit aussi se battre pour des intérêts politiques et économiques à l’échelle d’un continent.
Fable politique? Docu-fiction? Thriller psychologique?
Le réalisateur joue sur ces différents registres. Au début triomphe le réalisme : la caméra nous entraîne -après avoir franchi avec Emilio la porte réservée aux "petits"- à l'intérieur de la résidence présidentielle de Buenos Aires. Nous faisons la connaissance des hommes du président -briefing (étouffer l'affaire de corruption) préparation du "sommet" : la création d’une OPEP sud-américaine. Puis ce sera l’installation sur les hauteurs enneigées dans un hôtel luxueux au Chili ; avec les séances très protocolaires, de présentations et d’interviews.(on pourrait même reconnaître des hommes politiques actuels….) .Mais dès que la fille Marina a rejoint son père (or le scandale est arrivé suite à la dénonciation de son ex mari) et que se manifestent ses "pouvoirs quasi magiques" (ce dont rend compte la longue séquence d’hypnose) le film bascule dans l’étrange; il devient même "construction mentale" et cette étrangeté va contaminer les séquences finales des négociations -même si apparemment on est de nouveau dans le " réalisme"
Vues aériennes sur les routes en lacets épousant dans leur forme dédaléenne les circonvolutions de la pensée et les circonlocutions du langage diplomatique tacticien?? ; en écho à l’intérieur de l’hôtel les travellings circulaires lors des confrontations entre participants....Scènes plus intimes filmées caméra à l'épaule. Un jeu d'alternance au service de la "dualité " du personnage éponyme . Filmé en groupe, en duo ou plus souvent pris isolément, Ricardo Darin vu de face de profil ou de dos impose non seulement sa stature à l’écran mais un jeu distancié malgré le flegme apparent ; un jeu toujours en harmonie avec l’image "équivoque" du président qu’il incarne : un président récemment élu sur le slogan un homme comme vous pris au piège de la corruption- ...qui doit en outre "imposer" sa marque sur l’échiquier politique : servir des enjeux pétroliers et reconnaître la toute puissance du courant anti-libéral du Brésil, faire allégeance à son président très populaire? pactiser en coulisses avec l’émissaire américain ? En frondant avec l’ami mexicain pro-américain? El Présidente est à l'écran ce requin politique et ce séducteur au regard bleu acier
Privilégier la part d’ombre et la sphère privée du "président" c’est le choix du réalisateur. Et certes il entretient le doute -comme dans un thriller psychologique- ; les souvenirs et les imprécations de la fille -instable psychologiquement- seraient-ils moins crédibles que les arguments du père qui se protège derrière une posture convenue ? Cette carapace de père aimant, d'homme affable ne cache-t-elle pas le pire des assassins?
El presidente n’en est pas pour autant un film corrosif et convaincant. Pourquoi? On devine trop les difficultés à nouer les deux aspects de cette politique/fiction (suspense politique et psychologique) et le manque d'aisance à superposer deux trames narratives. De même le choix de métaphores plus ou moins éculées (le patronyme Blanco, les secousses dans l’avion au moment de l’atterrissage comme prémices d’autres "perturbations", le gros plan sur la fenêtre brisée et celui du fauteuil renversé dans la neige; les couloirs dérobés empruntés pour rencontrer l'agent américain comme illustration des "coulisses" du pouvoir...etc...) et l’option d’une fin "ouverte" auront quelque peu entaché le plaisir du spectateur!!
Colette Lallement-Duchoze