d'Albert Dupontel
avec Nahuel Perez Biscayart, Albert Dupontel, Laurent Lafite, Niels Arestrup, Emilie Dequenne, Mélanie Thierry
adapté du roman éponyme de P Lemaître (prix Goncourt 2013)
Argument
Novembre 1919. Deux rescapés des tranchées, l'un dessinateur de génie, l'autre modeste comptable, décident de monter une arnaque aux monuments aux morts. Dans la France des années folles, l'entreprise va se révéler aussi dangereuse que spectaculaire..
Je trouvais le livre extrêmement inspirant. J’y ai vu un pamphlet élégamment déguisé contre l’époque actuelle. Tous les personnages me paraissaient d’une modernité confondante. Une petite minorité, cupide et avide, domine le monde" avoue Dupontel quand il décide d’adapter le roman de P Lemaître prix Goncourt 2013
Fort de son budget de 15 millions d’euros, le réalisateur n’a pas lésiné sur le casting, les décors, les effets spéciaux pour une "reconstitution historique" des années 1920 ; tout en jouant sur des effets de miroirs il privilégie le plan séquence ; il fait retravailler la photo -image terne couleurs sépias etc.… Au passage des clins d’œil à ses habitudes facétieuses (le hachoir à viande dans un hôpital où se meurent les blessés...par exemple)
Et pourtant le film qui se veut esthétisant et burlesque, et qui tient aussi du cartoon (Pradelle tel le loup de Tex Avery) pêche par une pesanteur illustrative et c’est encore plus irritant pour qui a lu le roman de P Lemaître. Non qu’il faille à tout prix comparer un roman et son adaptation cinématographique (après tout le romancier a donné son aval à tous les choix du réalisateur ; après tout on sait qu'une adaptation est forcément "trahison") ; mais on peut s’interroger sur certains choix
Celui d’une narration en flash back (Maillard est arrêté au Maroc il subit un interrogatoire et il va "raconter" son histoire au brigadier…); ce choix impose une structure trop mécanique voire parfois lourdingue : le verbe paraphrase l’image ou bien le brigadier interrompt le récit en quête d'éclaircissements...
Que dire de cette prédilection pour les vues aériennes ou pour les plans en plongée et ce dès la séquence d’ouverture -du moins le premier épisode relaté par Maillard- ? Sinon qu’elle biaise pour ne pas dire " fausse" le concept de verticalité qui est au coeur du roman. Porté par un drone on suit le cheminement d’un chien qui furette de ci de là avant de pénétrer dans une tranchée où s’entassent les soldats; ils attendent le fameux armistice ; après le coup d’éclat du méchant Pradelle, on aura droit à une séquence spectaculaire ...qu’accompagne une musique grandiloquente digne d’une représentation hollywoodienne
Et cette façon bien trop carrée de présenter un personnage : il sort de l’ombre, le voici c’est lui le méchant Pradelle ; et là attention plan prolongé sur un visage à la douceur angélique ; ce sera la sœur d’Edouard et le dolorisme; que Dupontel s’amuse à faire du Chaplin ou du Keaton, logique ! mais en quoi cela ajoute-t-il au personnage de Maillard ?
Admettons que le saltimbanque et bouffon Dupontel ait voulu renouer aussi avec la Comedia dell arte (et la profusion de masques très artistiques en serait l’illustration) mais sa caméra virevoltante ne produit pas le sens attendu ; il en va de même pour les scènes de rue réduites à un simple décorum
En revanche les propos auxquels il a habitué son public "les élites sont responsables de la fracture économique et sociale" on peut les deviner au détour d’une phrase (cf la scène où l’on exécute à coups de bouchons de champagne les généraux de la grande guerre (Foch ? Mais un trou du cul comme les autres ) plus éloquente que les contrastes appuyés (faciles) entre les intérieurs bourgeois et le misérabilisme de certains quartiers
Au final un film prétentieux qui, surfant avec tous les genres (poésie, critique politique et sociale, burlesque et sublime, etc.. ), rate son objectif !
Colette Lallement-Duchoze
Pas d'accord avec toi Colette.
Il faut certes oublier le livre en voyant ce film mais j'ai adoré la réalisation de Dupontel. Travail soigné, on se laisse emporter par un tourbillon d'images, de drôleries, d'émotions, d'horreurs, de dénonciation de l'absurde total. Sans oublier ce qui est montré avec la force du cynisme : comment dans ce monde le pouvoir économique (Niels Arestrup) domine le politique (le maire idiot du 8ème arrondissement de Paris). Le jeu des acteurs trouve le ton : un air de libertaire complètement dingue.
J'ai été transporté.
Serge
14/11/17