Film expérimental réalisé par Pierre Creton
Avec lui-même, Ghislaine Paul-Cavallier, Vincent Barré, Pierre Lavenu
Argument: Tourné en Normandie ce film entremêle trois histoires d'hommes et d'animaux: Madeleine amoureuse d'un marcassin qu'elle a recueilli; Vincent qui règle sa fascination/répulsion pour les singes lors d'un voyage en Inde; Joseph dont l'appareil qui l'aide à respirer provoque des rêves de chats...
Tout d’abord Va, toto! est une histoire de famille : Pierre Creton, ouvrier agricole et cinéaste, évoque son amitié indéfectible, voire son amour pour des proches Ghislaine Monette Vincent – tous habitants de Vattetot-sur-Mer. Il met comme en exergue les sentiments que ces humains éprouvent pour les animaux - Toto le marcassin, les singes de Shimla en Inde. Ce sera le fil conducteur. En effet, le scénario a été écrit à partir d’une histoire vraie -celle de Toto et Ghislaine, qu’il a filmée pendant 5 mois, puis à cette histoire d’amour entre la septuagénaire et le marcassin, Pierre Creton va ajouter des "morceaux de vie" de personnes très proches "avec des choses communes comme les animaux et un rapport difficile avec l’autorité". Son long métrage serait ainsi fait de trois histoires vraies ….mais ….
Pour la narration -commentaires, flash back, échappée dans le rêve- le cinéaste a fait le choix de voix off , non pas celles des personnes que nous voyons à l’écran mais celles de Rufus, J-F Stévenin, Evelyne Didi, Françoise Lebrun, Grégory Gadebois. Ce choix de "voix intérieures" s’est imposé comme une évidence "nécessité de donner une distance à chacun par rapport au récit de sa vie"" Je crois qu’on fait tous ça, se raconter sa propre vie. et que ce n’est pas tout à fait avec sa propre voix, mais avec une voix fictionnelle, romanesque. Je crois qu’on a tous des voix, pas juste une voix.
Autre originalité de ce film: le recours aux split screens, du moins pour l’histoire de Toto. Si le choix du format 4/3 s’imposait pour filmer le marcassin, comment au montage le concilier, l’arranger avec le 16/9 (du deuxième tournage) sinon en « accolant deux images 4/3 » ?. Cet argument purement formel s’est vite doublé d’une autre considération plus métaphorique donner la forme "d’un livre ouvert page de gauche et page de droite"
Ces procédés dits de "fragmentation" ne sont-ils pas en harmonie avec l’hybridité propre à l’homme et à l’animal ?? D'ailleurs pour en rendre compte, le philosophe Michel Surya (cité dans ce film, cf le générique de fin) a inventé le terme d'humanimalité!
Invité à ouvrir ce livre -qui est aussi celui de la vie du rêve et de la mort – le spectateur se laisse vite "habiter'. De la ferme de Vattetot-sur-Mer, à l’Inde, de l’intimité d’une cuisine ou d’une chambre aux Bains d’Odessa, il voyage dans une sorte d’espace/temps où l’homme- en position d’orant parfois-, le chien en passeur tutélaire, les singes facétieux, les paysages bruissant de vert ou enneigés, s’interpénètrent dans une symphonie, célébrant des fragments de « discours amoureux » ...
Un film à voir absolument!
Colette Lallement-Duchoze