De Ruben Östlund.(Suède)
Avec Claes Bang, Elisabeth Moss, Dominic West.
Palme d'Or Cannes 2017
Argument:
Christian est un père divorcé qui aime consacrer du temps à ses deux enfants. Conservateur apprécié d’un musée d’art contemporain, il fait aussi partie de ces gens qui roulent en voiture électrique et soutiennent les grandes causes humanitaires. Il prépare sa prochaine exposition, intitulée « The Square », autour d’une installation incitant les visiteurs à l’altruisme et leur rappelant leur devoir à l’égard de leurs prochains. Mais il est parfois difficile de vivre en accord avec ses valeurs...
Dans ce film prétentieux et corrosif - cible de controverses….forcément !- Ruben Östlund poursuit son travail de sape (rappelez-vous snow therapy…) dont l’art contemporain est le prisme
On démonte une statue équestre -signe manifeste d’un art révolu- on dessine à la place au sol, un carré lumineux (the square) dans la mouvance de l’art conceptuel (œuvre de l’artiste argentine Lola Arias). Interviewé par une journaliste américaine dans une salle du musée d’art contemporain, Christian est assis au milieu de monticules de graviers -installation d’un artiste contemporain- et peine à répondre à des concepts (qu’il a lui-même élaborés); soit ce sont de pures tautologies soit ils sont vides de sens. Critique de (et sur) l’art, créations/installations, l’art contemporain est mis à mal dès le début….il en ira de même avec tous ceux qui occupent les postes de communication et de décision ! Portraits charges -on verse dans la caricature au grand dam de certains...au bonheur de tous ceux pour qui l’art contemporain n’est qu’une arnaque
Un texte explicatif accompagne le carré- le square sera un sanctuaire où règnent confiance et altruisme. Dedans nous sommes tous égaux en droits et devoirs" . Ce vœu ô combien démocratique ne sera pas respecté tant il sera constamment mis à mal. Et ce, en une suite de séquences -incongrues parfois- C’est la thématique du film. Séquences filmées en plans larges (ceux qu’affectionne le cinéaste) avec des jeux spéculaires entre l’objet et sa représentation (escaliers vus en plongée quand Christian et ses deux gamines les empruntent ; en frontal quand ils sont le thème d’une toile).
Car que dénonce le réalisateur sinon l’hypocrisie de nos sociétés ? -on paraît charitable mais on est foncièrement égoïste ; ériger la solidarité en principe suprême est un leurre quand l’homme reste un loup pour l’homme. Au début Christian vient en aide à une femme agressée ; laquelle de connivence avec l’agresseur en profite pour lui soutirer portefeuille portable et boutons de manchette ; œil pour œil dent pour dent il va mettre au point un stratagème qui accusera tous les locataires d’un immeuble….
La dualité civilisation/barbarie est illustrée dans cette (trop) longue séquence où un performeur joue le rôle d’un gorille éructeur; (cf affiche) les hôtes -bourgeois corsetés dans leur habits de gala et leur bien-pensance - vont subir terrorisés les assauts de ce faux singe !!! on rit on sourit puis on est gêné voire agacé
Le personnage de Christian est au cœur de tout ce dispositif ; père, amant, administrateur il doit illustrer en les incarnant tous les sujets abordés par Ruben Östlund "la responsabilité et la confiance, la richesse et la pauvreté, le pouvoir et l'impuissance, l'importance croissante accordée à l'individu par opposition à la désaffectation vis-à-vis de la communauté et la méfiance envers l'Etat en matière de création artistique et de médias"
Mais malgré la prestation de Claes Bang, la démonstration tourne à vide ! Alors que formellement s’impose la figure du carré (figure déclinée ad libitum … on serait tenté de dire à chaque plan)
Christian ou notre Golconde du XXI° siècle? -si l'on se réfère à "la trahison des images"
Colette Lallement-Duchoze