De Kathryn Bigelow (USA)
Avec John Boyega, Will Poulter, Algee Smith, J. Latimore
Argument
Eté 1967. Les USA connaissent une vague d'émeutes sans précédent. La guerre du Vietnam et la ségrégation raciale nourrissent la contestation. A Détroit, alors que le climat est insurrectionnel depuis deux jours, des policiers soumettent une poignée de clients d'un hôtel à un interrogatoire sadique pour extorquer leurs aveux....
En réponse à toutes les inepties et autres insanités entendues ou lues çà et là, (presse américaine) voici un billet d’humeur
Même si la cinéaste insère quelques "documents" d’archives, son film n’est pas stricto sensu un "documentaire". Il s’inspire des événements qui ont marqué l’été 1967 à Détroit (émeutes insurrections) ; et si le script de Mark Boal insiste sur la nuit d’horreur du 25 juillet 1967 au motel d’Algiers (disons pour simplifier que le huis clos et l’acharnement de la police constituent la deuxième partie de Détroit) n’est-ce pas pour mettre en évidence ce qui ressemble au point "nodal" de la question raciale en Amérique?
Alors que reproche-t-on à Kathryn Bigelow ? D’avoir traité avec réalisme et une forme de rage explosive la folie meurtrière et raciste de certains représentants de l’ordre…. ? D’avoir représenté les tanks de la Garde Nationale (première partie) pénétrant dans le "ghetto" noir de Détroit tels des guerriers « impérialistes » (on est en pleine guerre du Vietnam et dans ce bar on fêtait le retour de "vétérans"...)? D'avoir insisté avec "complaisance" voire "manichéisme", sur la douleur des Noirs et le sadisme de certains Blancs? Des événements récents -soit 50 ans après les faits - prouvent aisément que la "ségrégation raciale" perdure ... que les préjugés racistes sont loin d'être abolis... que la Justice est toujours partiale... que ... et que...
Mais que penser du grief "d'illégitimité" ("la réalisatrice est une Blanche" donc elle ne peut "comprendre" )….sinon qu’il relève d’un essentialisme "primaire"? comme si seuls les Noirs étaient habilités à parler des Noirs, ou comme si les Blancs avaient le monopole dans leur propre "représentation" à l'écran "Suis-je la mieux placée pour raconter cette histoire? Certainement pas. Mais j'ai pu le faire alors que cela faisait 50 ans que cette histoire attendait d'être racontée" a-t-elle répliqué (mutatis mutandis : Je fais une thèse sur l’empereur Hadrien et pourtant je n’ai pas vécu au II° siècle, je n’ai pu le côtoyer, je ne fais pas partie de la famille des Antonins, dois-je être discréditée pour autant??? )
On peut néanmoins déplorer avec Isabelle Boni-Claverie (« trop noire pour être française ») le fait que peu de cinéastes issus des minorités portent leurs récits à l’écran et/ou choisissent de parler des Blancs...
A force d’insister sur le "contenu" on occulte allègrement la "forme"
Saluons une parfaite maîtrise dans la diversité des traitements: film d'animation en guise de prologue -pour la contextualisation- "movie journalism" ; film d’horreur et thriller judiciaire. Une caméra au plus près des corps martyrisés, un rythme époustouflant que renforce la bande-son
Une musique signée James Newton Howard qui fait la part belle aux chansons rythm and blues sound ; un morceau inoubliable de J Coltrane.
Le " héros" de ce film serait Larry (cf l'affiche) : avant la nuit d’horreur où il a vu des compagnons tués "pour rien", il avait pour unique objectif : chanter dans le groupe the dramatics; écœuré par l’impunité dont bénéficient les vrais coupables, il préférera chanter des gospels avec (et pour) sa communauté... que de cautionner une musique au son de laquelle se trémoussent les Blancs dans les clubs…. Et là ne pas verser dans une critique spécieuse du "communautarisme": c'est bien la voie(x) de la Conscience qu'a choisie Larry!! - la précarité matérielle plutôt qu'un blanc-seing à l'Injustice
Un film puissant qui marquera (et pour longtemps) le public !
Un film roboratif pour des cerveaux sclérosés!!
Colette Lallement-Duchoze