De Sebastien Lelio (Chili)
avec Daniela Vega, Francisco Reyes, Luis Gnecco
Prix du meilleur scénario à la Berlinale (février 2017) ce film a reçu le Teddy Award -qui distingue un film traitant le mieux des questions homosexuelles, bisexuelles ou transgenres-
L’actrice transgenre Daniela Vega porte de bout en bout ce film. Un film qui n’est pas un plaidoyer militant, mais avant tout un hymne à l’amour ; ce que tendent à prouver les premières scènes consacrées à l’intimité des deux personnages Orlando et Marina ; mais le plan prolongé sur les chutes d’Iguazù qu’accompagne une musique presque féerique met d'emblée en exergue une bivalence : magnificence et bouillonnement; exaltation et enfouissement abyssal
La mort soudaine d'Orlando va contraindre Marina à affronter la famille "normale" du défunt, une famille corsetée dans ses convictions et son rejet de l'altérité (Marina transsexuelle? c'est une "chimère" affirme l'ex épouse d'Orlando, un monstre de pédé dira le fils; le frère d'Orlando serait plus conciliant mais il ne peut échapper -par lâcheté?- à l'opprobre familial.... )
Jeu de miroirs, jeu de portes (celle de l’appartement d’Orlando, celle de la cabine du Finlandia clé 181) que l’on ouvre et ferme -comme si le personnage était dans un entre -deux ; d’ailleurs sur sa carte d’identité figure encore son ancien prénom Daniel (« les formalités sont en cours » affirme sereine Marina). Grâce à sa ténacité et à l’amour qui l’habite, elle arpente seule les chemins tortueux et tordus d’un tunnel d’où elle émergera rayonnante ; elle qu’on a bafouée, humiliée -en lui interdisant d’assister aux funérailles de l'être aimé, par exemple. Son seul soutien est sa famille ; le père l’initie d’ailleurs à l’art lyrique et sa sœur l’héberge quand elle doit quitter presque manu militari l’appartement dans lequel elle allait précisément s’installer pour vivre intensément sa relation amoureuse avec Orlando
On pourra reprocher certains excès dans la mise en scène; ce plan prolongé où Marina affronte seule une tempête de vent, elle se cramponne arc-boutée sur elle-même, malgré l'impétuosité des rafales, trop appuyé ce plan dénature le symbolisme sous-jacent ; ou ce très gros plan sur son visage déformé par des bandes de scotch suite au tabassage de la famille, ou encore cette envolée fantasmée sur une musique disco en costume kitch…
Cela étant, le film n’en est pas moins fascinant; il est servi par une actrice au jeu magistral et une bande son très originale (signée par le compositeur britannique Matthew Herbert)
Colette Lallement-Duchoze