Documentaire réalisé par Barbet Schroeder (France Suisse)
Présenté au festival de Cannes (séance spéciale)
Argument En Birmanie, "Le Vénérable W." est un moine bouddhiste très influent. Partir à sa rencontre, c’est se retrouver au cœur du racisme quotidien, et observer comment l'islamophobie et le discours haineux se transforment en violence et en destruction. Pourtant nous sommes dans un pays où 90% de la population a adopté le bouddhisme, religion fondée sur un mode de vie pacifique, tolérant et non-violent.
Connaissez vous les poissons chats ravageurs d’Afrique ? Ils détruisent tout dans les lacs et les rivières… Les Musulmans font comme ça chez nous »…..tels sont à peu près les premiers mots de Wirathu moine bouddhiste birman interviewé par Barbet Schroeder….
Ce vénérable W, islamophobe, nationaliste, au physique placide, à la parole onctueuse, éduque les siens dans la culture de la haine quitte à réécrire l’histoire...(on connaît la puissance l’impact des storytelling dans les commentaires de guerres voire de génocides -c’est que l’opinion ça se travaille…) Quand on sait que les Rohingyas c’est environ 4 % de la population birmane, l’acharnement maladif du "monstre" -et pourtant "vénéré"- W n’en est que plus condamnable. Mais le sera-t-il dans un pays où le pouvoir l’armée et une partie du clergé sont de connivence (récemment en 2016 l’ex-dissidente et prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi a couvert ces crimes...en les tolérant...)
Le documentaire de Barbet Schroeder met à nu l’histoire de l’islamophobie en Birmanie depuis les années 90, la création du mouvement 969 (1999) dont Wirathu est le « grand prêtre ». Se déploie sous nos yeux -souvent hébétés- la mécanique du Mal. La foule respectueuse écoute religieusement la parole du Maître ; galvanisée elle est mûre pour commettre les pires atrocités; on provoque une émeute, on incendie mosquées maisons on tue on achève des moribonds avec la complicité muette des militaires. Des images presque "insoutenables"...pour le spectateur; des images dont se repaissent les "meurtriers" !!! Négation de l’autre, exclusion, crimes tout cela ne va-t-il pas à l’encontre de l’idéologie du bouddhisme ? (ce que rappelle la voix off de Bulle Ogier, l'épouse du cinéaste). En contrepoint aux délires destructeurs du "vénérable W" le réalisateur donne la parole à des personnes du monde civil ou religieux, plus modérées dans leurs propos et analyses ! Équilibre bien précaire ! Il en va de même du recours aux graphismes, aux cartes de géographie, à l’insertion d’extraits de journaux, etc. tout cet accompagnement pédagogique salutaire ne saurait faire le poids face au crime organisé au nom de la nation souveraine, au nom de la religion. Le frisson a dépassé les frontières birmanes...
Au début les quelques scènes sur l’enseignement que reçoivent les jeunes bonzes sont empreintes de sérénité ce dont témoignent la lente théorie de ces "moines" avec leur bol de riz et celle des habitants qu’un long travelling latéral semble figer dans l’espace et le temps….
Mais dès que le Mal prend corps, s’imposera l’image récurrente du rouge -le feu du brasier dévastateur; le "vénérable W" ne l'avait-t-il pas allumé dans ses prêches xénophobes et génocidaires !
Un documentaire à ne pas rater !!!
Colette Lallement-Duchoze