Documentaire réalisé par Bénédicte Pagnot
D’Ispahan à Sidi Bouzid, en passant par Jérusalem, Cordoue, Dubaï… le film invite à un voyage en Islam. Islam avec un I majuscule, comme celui qu’Abdelwahab Meddeb a eu à cœur de faire connaître. La réalisatrice prolonge la voie tracée par le poète et intellectuel franco-tunisien aujourd’hui disparu pour qui "une des façons de lutter contre l’intégrisme est de reconnaître à l’Islam sa complexité et ses apports à l’universalité". Une navigation entre passé et présent, histoire et politique, musique et poésie.
Un documentaire ambitieux et qui -paradoxalement- trouve ses limites dans la simultanéité de ses différentes approches. Car il s’agit bien tout à la fois d’un hommage au penseur et poète Abdelwahab Meddeb; d’un voyage initiatique -celui de la narratrice/réalisatrice depuis ses interrogations liminaires – avec cette vue sur les toits de Rennes- jusqu’à l’élaboration d’autres questionnements à la mort du maître, et d’une sorte de géographie de territoires musulmans ou multi confessionnels saisis à la fois dans leur spécificité et leur universalité, essentiellement culturelle (on célèbre en Iran, avec cet élan oblatif et quasi orgiaque le poète Hafez ; en écho mais pudique et muette voici la main d’Abdelwahab Meddeb posée sur la tombe du poète palestinien Mahmoud Darwich à Ramallah)
Un maître et son élève; l’anaphore "je vous écoute" équivaut très souvent à je vous suis ; tout comme la caméra suit le penseur/poète dans certains de ses déplacements... Une démarche similaire? : interroger, collecter et tisser (le mot textus étant est à prendre dans sa double acception ).
Habitée par la pensée du poète, Bénédicte Pagnot, athée, va sur les traces d’un Islam aux antipodes de l’islamisme. Soit. Mais c’est au spectateur d’établir d’éventuelles passerelles et/ou de contextualiser. Car le documentaire -riche et bienveillant au demeurant- est du point de vue formel un peu brouillon (il s’agissait peut-être de mettre en images un patchwork couvrant horizons et époques différents, afin de faire jaillir une sorte d’entièreté ?) et le contenu explicatif (privilégier l’aspect civilisationnel) est entaché dans sa démonstration par une profusion de textes (auxquels s'ajoute la voix off de la narratrice)
Un documentaire traversé presque de bout en bout par une musique des chants des récitatifs au rythme typique de la mélopée
On retiendra la scène de liesse populaire suite à une victoire sportive, à Sidi Bouzid -là où s’était immolé le jeune Bouazizi en 2010 ; acte fondateur de la révolution tunisienne-, et surtout cette séquence où des adeptes d’une confrérie soufie gesticulent dans la frénésie
Colette Lallement-Duchoze