D'Alessandro Comodin (Italie)
Avec Sabrina Seyvecou, Luca Bernardi, E. Sizonovas
Présenté au festival de Cannes 2016 (Semaine de la critique)
.Tommaso et Arturo sont parvenus à s'enfuir et se réfugient dans la forêt. Des années plus tard, cette forêt est infestée de loups. De nos jours, Ariane y découvre un trou étrange.....
Mon plus grand malheur c’est de ne venir de nulle part avouera in fine à travers les barreaux du parloir d’une prison le jeune homme (Arturo ? )
Désorienté le spectateur l’est lui aussi de bout en bout. Certes il conviendrait pour apprécier pleinement ce film de se "laisser porter" et à l’instar des deux fugitifs qui se délestent de leurs manteaux- de ne pas s’encombrer de questionnements… Ils sont pourtant légitimes : qui sont ces deux évadés ? La jeune femme Ariane qui pénètre dans les antres de la terre est-elle la jeune fille de la légende que racontent les habitants ? Et Dino son père, celui du conte ? Les loups que l’on traque ? L’homme/loup dont s’éprend la jeune fille du conte ? Les morts ? Etc…Se poser des questions oui mais les laisser en suspens, en acceptant de traverser une sorte d’espace-temps; telle serait la condition sine qua non
C’est qu'ici l’étrange naît précisément du recours à l’ellipse, du passage assez brutal d’une histoire à une autre, d’une histoire racontée sous forme de conte à son illustration qui en captera l’essentiel (même si par moments la descente dans les entrailles de la terre à la recherche de forces telluriques ou l’interpénétration du corps dénudé couvert de boue et de l’élément liquide sont un peu appuyés..Un geste suspendu est un moment de grâce, l’éterniser le contrarie dans son évanescence même)
La forêt est le lieu privilégié de tous les fantasmes (son foisonnement végétal, sa luxuriance ou son aridité passagère, son bruissement qui peut se métamorphoser en mugissement, ses arcanes, son parcours labyrinthique, ses antres ses grottes ses plans d'eau, autant d’éléments constitutifs d’une réalité qui porte en elle-même son contraire ; telle anfractuosité et c’est Eros et Thanatos ; telle grotte et c’est l’obscur de l’inconscient en lutte avec le conscient ou le passage de la lumière aux ténèbres de l’enfer ; tout comme le scintillement et la diffraction de la lumière ne peuvent se concevoir sans l’exaltation de l’ombre ou l’inverse. Ce que vivent ont vécu et continueront à vivre Tommaso, Arturo et Ariane…..Trois personnages d’une légende qui perdure par-delà les siècles
Des travellings audacieux quand la caméra suit au tout début les fugitifs dans leur course, des plans fixes sur ces visages qui vont raconter les légendes de leur contrée (le Piémont), une alternance d’ombres et de lumière plus ou moins crue (celle-ci prédominera dans la dernière séquence : inversion ironique puisque nous sommes à l’intérieur d’une prison…) des plans larges sur les corps pénétrant dans l’élément liquide ; le jeune réalisateur italien qui est aussi cadreur manie avec dextérité sa caméra certes; mais cela ne convainc pas forcément....l'ennui peut même gagner certains spectateurs (dont je fus...)
Colette Lallement-Duchoze