De Andrzej Wajda (Pologne)
Avec Boguslaw Linda, Aleksandra Justa, Bronislawa Zamachowska
Dans la Pologne d’après-guerre, le célèbre peintre Władysław Strzemiński, figure majeure de l’avant-garde, enseigne à l’École Nationale des Beaux Arts de Łódź. Il est considéré par ses étudiants comme le grand maître de la peinture moderne mais les autorités communistes ne partagent pas cet avis....
C’est en extérieur et dans l’illumination d’une joie partagée que les étudiants après avoir dévalé une pente herbue sont à même d’écouter les leçons du maître, et sa théorie de la vision et de l'unisme. C’est la scène d’ouverture, la seule baignée de lumière car la plupart des séquences seront traitées en couleurs plus ternes, verdâtres ou gris sombre
D’immenses drapeaux rouges à l’effigie de Staline ont envahi la façade ; pour retrouver, de son atelier, la lumière du jour, le peintre les lacère….Annonce d’une " ère nouvelle " (pour le peuple polonais) et prémices d'une lente agonie (pour le peintre Wladyslaw Strzeminski; lui qui fut le compagnon de Kandinsky et de Malevitch, lui qui a créé le Musée d’art de Lodz, lui qui, mutilé de la première guerre mondiale, a surmonté son handicap et qui par son intransigeance a consacré toute sa vie à l’art, au détriment de sa vie privée...)
Dans la salle "néoplasticisme" des sbires du nouveau pouvoir meurtrissent déchirent saccagent tous les tableaux ; le sol n’est plus qu’un amas de tessons et de lambeaux. C’est qu’il faut promouvoir le " réalisme socialiste " en peinture !
Andrzej Wajda (disparu en octobre 2016) évoque dans ce film à la beauté crépusculaire les dernières années de la vie du peintre qui, par conviction, a refusé de pactiser avec le nouveau régime ; lequel, en le privant de TOUT (le spectateur suivra toutes les étapes depuis son licenciement jusqu’à sa mort ) cherche à l’asphyxier (sens propre et figuré)
Quatre années (1948-1952) de misère et de déchéance, et en parallèle la mise en place d’une dictature..
La création face au pouvoir liberticide!
Vêtue d’un manteau rouge, Nika, la fille accompagne, seule, sa mère défunte jusqu'à sa "dernière demeure" ; suite aux remontrances de passantes elle " retourne " son vêtement…la doublure noire est plus seyante en de telles circonstances !
Blanches, les fleurs vont se teinter en bleu; et le peintre les dépose -ultime hommage- sur la tombe enneigée de son épouse (une scène muette à la composition très picturale)
Sur un lit d’hôpital, un drap blanc, c’est la relique du père sur laquelle vient se recueillir sa fille
Une minute d’éternité !
Colette Lallement-Duchoze