Argument: 22 novembre 1963 John F Kennedy est assassiné à Dallas. Confrontée à la violence de son deuil, sa veuve, Jacqueline Bouvier Kennedy, First Lady admirée pour son élégance et sa culture, tentera d'en surmonter le traumatisme
Non ce n'est pas un biopic comme on se plaît à le dire ou l'écrire...
Le cinéaste chilien a choisi un moment très court dans la vie de celle qui fut la "first lady": les jours qui ont suivi l'assassinat de son mari et qu'elle est interviewée par un journaliste du magazine Life . "Reine sans couronne qui a perdu à la fois son trône et son mari" elle donnera -en maîtrisant son récit- une certaine image de son époux, contribuera à créer une légende -sur fond d'échos à son histoire personnelle et à l'histoire collective. L'interview est ainsi la scène inaugurale et la matrice du film -une convergence vers de l'apaisé ou de l'inapaisable??
Mais une fois de plus -et c'est une belle leçon de "cinéma" pour tous ceux qui affirment péremptoires qu'un film, ou un roman se définit essentiellement par son histoire...-, la force du film de Pablo Larrain est dans le montage et sa façon de filmer: éclatement de la chronologie, enchâssement des épisodes revisités en images réelles ou mentales, ou faussement patinées telles des archives, images présentes et remémorées tout à la fois; récurrence de certaines scènes -dont celle de la décapotable qui fonce vers l'hôpital alors que Jackie telle une pietà porte le crâne ensanglanté éclaté de son mari-; agencement des images aux couleurs audacieuses -passage du gris terne à des couleurs plus glacées, au rouge sang ou au mordoré; variations des cadres et angles de vue; musique -celle de la Britannique Mica Levi- qui, obsessionnelle et souvent funèbre et faisant la part belle aux cordes, est en harmonie avec l'intériorité du personnage
Intériorité? La caméra de Pablo Larrain pénètre une conscience livrant une psyché contrastée -nous voyons souvent Jackie/Natalie Portman de dos arpentant tel un spectre couloirs et pièces immenses, ou se posant face au tabernacle/miroir sans reflet pour le spectateur. Bien que traumatisée, elle veut gérer, dans la douleur, l'héritage de son mari (entendons l'image qu'elle doit donner de lui et d'elle-même à son pays). C'est un au-delà (ou par-delà) de l'image iconique : elle a vaincu la timidité (quand elle fait visiter la Maison Blanche rénovée par ses soins) elle sait être autoritaire (dicter le protocole des funérailles quitte à défiler seule ou dédier au général De Gaulle un "tank" si tel était son bon vouloir...) voire sarcastique (avec le journaliste du Life ou avec Valenti) Forte et vulnérable à la fois (ce dont témoigne la longue confession en plein air avec le prêtre sur ses intentions suicidaires)
J'ai perdu le fil entre réalité et représentation
Et si tout n'était qu'imago -dont le pouvoir est de représenter, faire apparaître, faire surgir-? La Maison Blanche ne ressemble-t-elle pas au château Camelot, la résidence légendaire du roi Arthur? Dans le dernier plan voici Jackie qui, de l'intérieur d'une limousine, voit un camion empli de mannequins en faux tailleurs Chanel, alors que la bande-son diffuse un air de la comédie musicale "Camelot" -celle qu'affectionnait le mari défunt....
Colette Lallement-Duchoze