De Brillante Mendoza Philippines
Avec Jaclyn Jose, Julio Diaz, Anfi Anigenmann
Prix d'interprétation Cannes 2016 pour Jaclyn Jose
Nous sommes à Manille dans un quartier populaire et miséreux où grouille la foule des "précaires" qui, pour "survivre" n'ont d'autre choix que de s'adonner au commerce (certes illicite) de la drogue. C'est le cas de Madame Rosa mère de quatre enfants, une maîtresse femme qui gère dans son échoppe un "double" commerce (Madame Rosa! du crystal?..) Nestor son mari teste la "marchandise" et la famille se réjouit de fêter son anniversaire le lendemain. Mais... suite à une délation le couple sera arrêté!
Caméra à l'épaule le cinéaste philippin filme au plus près le quotidien de tous ces gens. Sa caméra virevolte; le rythme est trépidant; le long plan séquence qui ouvre le film frappe par des cadrages mouvants mais simultanément le spectateur immergé dans cette réalité, a l'impression de coller aux personnages, de ressentir physiquement la promiscuité et le ruissellement de la pluie accentue cette sensation...En écho à ce mouvement celui de la circulation de l'argent (avec parfois un gros plan sur les billets)
Puis ce sera l'enfermement dans un commissariat. Dans le huis clos pesant d'une salle, la relation dominant/dominé est presque nauséabonde: policiers corrompus aussi experts dans la bastonnade que dans le chantage à la délation...Les accusés après avoir nié les faits en viennent à dénoncer leur dealer (et le montant de la rançon pour éviter l'incarcération, varie avec la "grosseur du poisson")
S'ensuit une "course contre la montre" et sur le plan formel un montage alterné. D'une part la caméra suit les trois enfants dans leur quête/collecte et d'autre part filme l'attente anxieuse des parents. La dernière marche forcée (car il manque 4000 pesos) c'est Rosa qui l'entreprend; travellings latéraux sur cette femme que rien ne semble perturber; elle marche, elle court. Et le geste d'un prêteur à gages sera salvateur...mais à quel autre prix! (cela est simplement suggéré)
Mais tout n'est pas "noir" dans ce film
Le reflet des lumières sur les chaussées détrempées semble nimber les personnages de cette fiction dans une aura au flou quasi irréel. De même sous les décombres, les guenilles, au sein même de l'enfer se profile une forme d'humanité celle de la solidarité (l'exemple de la tante qui récrimine, vilipende Rosa et qui dans un sursaut consentira à "prêter" de l'argent, est significatif!)
Ombre et lumière!
Un film saisissant!
Tant qu'il y aura des gens qui meurent de faim dans les rues, je ferai des films sur eux parce qu'ils représentent la majorité des Philippins
Colette Lallement-Duchoze