de Wim Wenders (France Allemagne)
avec Reda Kateb, Sophie Semin, Jens Harzer
On peut déplorer un dispositif à la fois simple et alambiqué; on peut ne pas se sentir "happé" par un discours à la fois suranné et contemporain; on peut toujours quitter la salle; mais on aura raté des moments essentiels...
Après des vues sur Paris, une capitale "déserte", nous voici propulsés à la campagne dans un paysage quasi édénique. A l'extérieur de la propriété, sur une terrasse, un homme et une femme, assis la plupart du temps, devisent sur le sexe, l'amour; ils échangent des souvenirs intimes heureux ou malheureux; évoquent la lumière, l'été; s'interrogent, refusent de répondre à des questions intempestives (ce n'était pas prévu). A l'intérieur dans une pièce surchargée de livres, un homme est en train d'écrire ....cette conversation... précisément! C'est l'été. Le vent fait frémir les branchages et les fleurs. L'écrivain regarde attendri "ses" "personnages" devance leurs propos ou les récite avec eux; ceux-ci lui apparaissent comme dans un tableau de Magritte dans l'embrasure de la porte ou de la fenêtre (ah"la trahison des images"!)
Wenders s'inspire "librement" de la pièce de Peter Handke. S'il respecte" le texte, il ajoute la présence d'un énorme juxe-box (personnage qui habite les pauses de l'écrivain) la musique de Lou Reed (séquence liminaire) celle de Nike Cave (que nous voyons d'ailleurs au piano dans une brève séquence); et nous verrons même Peter Handke dans le rôle furtif du jardinier...La pièce de cet auteur autrichien a pour sous-titre "un dialogue d'été"; dans le film de Wim Wenders les deux acteurs Reda Kateb et Sophie Semin jouent en décalé: le premier presque rohmérien la seconde presque durassienne; mais dans les deux cas l'artifice n'est pas exclu (choix délibéré?)
N'était-ce pas une gageure d'adapter cette pièce à l'écran?
Pas de plans fixes mais des champs contrechamps des travellings et de lents panoramiques tout cela en 3D. La caméra parfois caresse une expression du visage ou la nuque du personnage féminin. Si les deux personnages sont toujours auréolés de lumière, l'écrivain est souvent dans la pénombre (vision désenchantée de l'acte créateur? mélancolie de l'écrivain/cinéaste?) et à un moment l'auteur va quitter le champ de vision pour se confondre avec le sous-bois (chronique d'une mort annoncée??)
Dans les dernières minutes le décor s'estompe le ciel s'est gonflé de gris; et un zoom avant sur un tableau désincarne "la Sainte Victoire" en la réduisant à des pixels...
Quoi qu'en pensent des critiques patentés, j'ose affirmer que "les beaux jours d'Aranjuez" est un film accompli tant du point de vue formel que réflexif
Colette Lallement-Duchoze