Documentaire réalisé par Ruedi Gerber (Suisse)
Le cinéaste suisse Ruedi Gerber qui suit Anna Halprin depuis une trentaine d'années, l'a filmée au cours d'une mise en scène avec sa troupe Sea Ranch Collective, sur une plage de Californie. Cette chorégraphe née en 1920 qui certes n'a pas inventé comme Merce Cunningham ou Lucinda Childs de nouvelles formes de mouvements, fait partie de ceux qui inventèrent non pas des gestes, mais des corps : non pas une écriture, mais des réceptacles à celle-ci; d'où le choix des sculptures de Rodin chez qui elle retrouve cette "même volonté d'exprimer une vérité venant de l'intérieur"
Nonagénaire encore ingambe (il faut voir son corps en reptation sur le sable et ses mains qui le lacèrent à la recherche de..ou ce jeté dans l'espace) l'œil vif, la peau ridée mais non parcheminée, Anna Halprin explique commente sa démarche, suggère une piste de réflexion tout en corrigeant parfois une position du buste ou de la hanche le mouvement des bras (comme dans un masterclass): le mouvement apparemment "figé" gravé à jamais dans le marbre doit servir de modèle au danseur qui lui donnera ainsi une seconde Vie. Anna Halprin invite ses élèves/danseurs -non professionnels- à opérer d'abord un voyage intérieur avant de faire jaillir une sensualité jusque-là inconnue. Les rochers bien vite vont se muer en blocs de marbre d'où surgira la figure expressive du baiser, de la source, du penseur, de l'âge d'airain, de l'amour debout, etc. Sculptures vivantes, les danseurs évoluent seuls ou en duos, souvent nus ce dont témoigne la "représentation" (dernière partie du film) donnée en pleine forêt face à un public debout et admiratif comme médusé! Une performance (sens artistique) un art de l'éphémère au service d'une approche tout à fait singulière de la danse
On devine la vigilance de Ruedi Gerber quand sa caméra attend le moment de grâce enfin conquise, le capte pour l'immortaliser en plans moyens le plus souvent (tout comme Anna Halprin invitait chaque danseur à mobiliser ses forces vives jusqu'à la capture de l'INSTANT). En revanche on comprend moins qu'au montage il ait jugé pertinent de mettre systématiquement en parallèle la position d'un danseur et la sculpture de Rodin qui a servi de modèle; ce va-et-vient entre l'intérieur du Musée (Paris) et l'extérieur d'une plage californienne, entre la figure sculptée et le danseur "vivant" momentanément figé, est par trop "didactique" et frise l'artifice
Colette Lallement-Duchoze