De Mohamed Diab (Egypte)
Avec Nelly Karim, Hani Adel, Tarek Abdel Aziz, Ahmed Malek
Film présenté à Cannes (section Un Certain Regard)
Le Caire, été 2013, deux ans après la révolution égyptienne. Au lendemain de la destitution du président islamiste Morsi, un jour de violentes émeutes, des dizaines de manifestants aux convictions politiques et religieuses divergentes sont embarqués dans un fourgon de police. Sauront-ils surmonter leurs différences pour s'en sortir ?
Titre détonant pour un film percutant!
Intérieur d'un fourgon vide, c'est le premier plan de ce film. Cette apparente vacuité sert en fait de caisse de résonance aux violences extérieures. Et quand s'ouvre avec fracas la porte, sont projetés dans l'habitacle deux journalistes de l'AFP; ils auront beau se récrier rien n'y fait d'autant que l'ingérence des Occidentaux (et particulièrement des USA) est perçue comme une trahison. Suivront des pro et anti Frères Musulmans embarqués de force comme du bétail.
Début d'un Enfer. Enfermement claustral! Et ce durant presque 24h.
La cohabitation forcée commence par de violentes invectives entre "frères ennemis". La caméra virevolte, s'arrête sur un visage, un geste (se dessine peu à peu la personnalité de chacun). Le recours aux plans serrés crée de toute évidence une sensation d'étouffement : le spectateur est lui aussi "embarqué"!
Le réalisateur fait alterner intérieur et extérieur. Un extérieur vu par les "prisonniers" qui s'adressent à d'autres "entassés" dans un autre fourgon (on s'inquiète du sort d'un proche) ou qui sollicitent une aide des forces de l'ordre alors qu'au loin on voit et entend la multitude des manifestants crier "l'islam vaincra". Le film conjugue ainsi théâtralité (un peu appuyée) pour les protagonistes du huis clos et exercice "documentaire" -dans la reconstitution des événements (affrontements émeutiers et police; bringuebalement dans les rues de la capitale)
Il obéit aussi à une double dynamique interne. D'une part les "embarqués" subissant les affres de la chaleur/fournaise vont apprendre à s'apprivoiser mus par le même désir de survie; bien plus ils sauront faire abstraction de leurs "divergences" et s'entraider (cf. la scène où l'on boit chacun à son tour une gorgée d'eau; celle où Aicha donne les épingles qui agrafent son "foulard" pour suturer une plaie -même si le très gros plan sur la blessure a un côté racoleur...). D'autre part, Mohamed Diab a su créer une sorte de "tempo": à la violence succède l'accalmie (certes de courte durée); et la narration s'interrompt à plusieurs reprises par amenuisement de la bande-son avant le passage "écran noir" -qui joue le rôle de "balise"
Si la séquence finale (où le fourgon est pris dans une manifestation si étrange que l'on ne sait plus qui est qui) est "ouverte" (en ce sens qu'elle laisse le spectateur décider du sort des "prisonniers") son traitement rappelle trop les écrans vidéo traversés de lumières et lasers verts alors que triomphait le bleu nuit stellaire (même si les manifestants utilisent ces lasers pour "brouiller" les pistes..)
Le tohu-bohu du film est à l'image du chaos qui a suivi la destitution de Morsi. Mais on devine aisément que Mohamed Diab est surtout intéressé par l'humain (la séquence avec le sniper, le plan sur le corps gisant du père d'Aicha, le rôle de Nagwa l'infirmière sont significatifs). Sa vision n'est pas manichéenne! D'autant que l'on connaît ses convictions profondes : ni loi islamiste, ni loi martiale
Colette Lallement-Duchoze
"j’ai été déçu car les gens ne retiennent que ce qui les met hors d’eux dans Clash. D’un côté ceux qui me reprochent d’être anti-gouvernemental, de l’autre ceux qui me reprochent d’humaniser des radicaux musulmans. Mais j’ai juste fait un film qui parle de la diversité égyptienne, qui se permet de critiquer la société dans son ensemble" Mohamed Diab
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