Film d'animation réalisé par Michaël Dudok de Wit, (France, Belgique, Japon)
Prix spécial "Un Certain Regard" Cannes 2016
A travers l'histoire d'un naufragé sur une île déserte tropicale peuplée d'animaux le film raconte les grandes étapes de la vie d'un être humain...
Un film sorti en juin 2016 et toujours à l'affiche serait-ce une gageure?
La coopération entre un Néerlandais, le studio Ghibli (Japon) le studio Prima Linea (France) et Pascale Ferran (adaptation du scénario) est à l'image de l'universalité du message délivré dans ce film qui n'est pas seulement "une ode à la nature" comme l'affirment certains!
Par son art de l'épure, l'absence de dialogues (silence et musique y suppléent aisément), le mélange de réalisme et d'onirisme, l'alternance de couleurs sépia ou ocres et d'aplats plus verts ou bleutés, les jeux des répétitions en harmonie avec les cycles de la Vie (dans tous ses règnes et ses éléments) , leur interpénétration (de la tortue d'abord refoulée naîtra la compagne adulée) ce film illustre avec poésie une philosophie de l'existence, celle du vivre ensemble avec les forces vives de la Nature. Dans une ode, la nature reste un thème poétique; dans ce conte elle sera l'épousée, après avoir été hostile à l'homme. Si le père accepte de demeurer sur l'île et y mourir, son fils rejoindra le monde des humains afin de transmettre le message dont il est la pure incarnation.
Le film débute comme une robinsonnade. Un prologue qui fait la part belle à une déferlante, cette force mortifère capable d'engloutir bateau et humain. Un homme qui tente d'échapper à sa solitude de naufragé en construisant un radeau de fortune; des efforts toujours recommencés qui en font un Sisyphe insulaire...Mais renonçant à la nostalgie (au sens étymologique de nostos, le retour et algos la souffrance) l'homme ne sera ni Ulysse ni Robinson quand la Nature se donne à lui (ou qu'il se donne à elle)
On se laisse emporter, voire habiter par ce conte où le temps est comme aboli malgré des stigmates bien lisibles; où le bonheur de respirer, d'aimer -très apollinien- peut être perturbé par des forces chtoniennes; où des crabes dessinent une chorégraphie processionnaire sur la surface limoneuse; où l'oiseau prédateur, agile, engloutit sa proie.
Et les scènes récurrentes ou répétitives , illustrant la "circularité" ne jouent-elles pas le rôle de rimes dans un poème au rythme lent et hypnotique qui nous invite à écouter la musique du silence...?
Colette Lallement-Duchoze