De Roh Gyeong-Tae Corée Sud
avec Tae Hee Won, Hae Sung Lee, Hyun Joo Baek
Argument: Pendant que ses parents adoptifs se tuent à la tâche dans une usine agro-alimentaire de Séoul, Shon Sun est contraint d’effectuer son service militaire. Mais, victime de mauvais traitements, il est obligé de fuir l’armée. De retour à Séoul, il s’aperçoit que ses parents ont disparu. Bien décidé à les retrouver, il entame alors tout un périple à travers la jungle polluée, d’où est originaire son père
Le film s'ouvre et se clôt sur le plan prolongé d'une forêt frémissante de lumière. Mais s'agit-il de la même forêt? Car le cinéaste entraîne son spectateur de l'enfer social en Corée du sud à l'enfer d'une plage gangrenée par le mazout d'un village philippin...Ou cette forêt s'inscrit-elle dans la démonstration (assez douteuse et lourde de métaphores éculées) de la nécessaire préservation de la nature? Nous ne le saurons pas tant le réalisateur aime l'art de l'ellipse et des non-dits...
Son film (ou le voyage initiatique de Shon Sun) semble obéir à une forme de binarité: deux parties le structurent et dans la première effets de montage parallèle -le fils à la caserne soldat humilié (car il est métis) et même violé et les parents travailleurs exploités dans leur labeur- avec des raccords soit discrets soit au contraire très appuyés. Dans la seconde (après le retour du fils à la recherche du père) le cinéaste abandonne la veine hyperréaliste (hormis quelques plans sur la plage mazoutée) et bifurque vers un spiritualisme quasi psychédélique (au cas où le message ne serait pas suffisamment clair; voici des images symboliques contemplatives sur la pollution et la nostalgie)
Dialogues minimalistes, petites scènes récurrentes (la pause/repas pour les parents de Shon Sun; le face à face soldat/lieutenant ou employé/patron) recours aux très gros plans (la bouche vorace de la mère quand elle déjeune; le cafard dans un plat de riz; ou la chenille processionnaire de fourmis actives, seconde partie) ou gros plans (les dégueulis du fils et ceux de la mère, poissons dont on vide le plastic).
Certes le procédé "métonymique" qui privilégie des "fragments" s'inscrit dans la dénonciation de la déshumanisation; mais que dire de ces rituels (magie noire) propres à certaines cultures (celle du village philippin), de cette pierre qui n'en finit pas de rouler, de ces taches de peinture qui métamorphosent l'écran en tableau??? Etc.
On sort un peu pantois mais nullement hypnotisé; c'est pourquoi la comparaison avec Robert Bresson et Apichatpong Weerasethakul me semble abusive
Colette Lallement-Duchoze