Documentaire réalisé par Tomer Heymann (Israël, Allemagne)
Voici un documentaire qui séduira les spectateurs curieux d'emboîter "le pas" du directeur de la compagnie israélienne Batsheva (nous avons vu plusieurs de ses chorégraphies à Rouen)
Il est dédié à Mary Kajuwara (compagne d'Ohad Naharin décédée en 2001)
Comme dans la plupart des documentaires, celui-ci entremêle interviews, témoignages (danseurs ou proches) archives (ce fameux "sixty a minute" où les corps de Mary et Ohad chutent sur le clavier d'un piano ) documents anciens (on voit par exemple Martha Graham 1884/1991, la papesse de la danse contemporaine ou Béjart lors d'une audition) extraits de ballets, etc.. Dans ce "panachage" riche d'informations, (ce qui est typique du genre), se déroule tel un ballet la vie d'Ohad Naharin; depuis l'enfance dans un kibboutz jusqu'aux cours collectifs de Gaga, en passant par l'épisode new-yorkais 1970, la direction de la troupe en 1990, les démêlés lors du jubilée de 1998, la perte douloureuse de Mary, sa reconquête de la vie et sa paternité tardive). Soit la vie et l'oeuvre de....Parcours professionnel et vie privée de....
L'originalité de ce documentaire n'est pas dans le montage mais dans son ouverture. Nous assistons en effet à une répétition ; Ohad Naharin explique à sa danseuse seule sur scène, la façon de "lâcher prise" : le corps doit s'effondrer, chuter sans aucune contrainte (apparente) , celle de la pensée par exemple . Et cette scène liminaire préfigure la séquence finale, celle d'une danse collective où les corps se libèrent grâce au langage corporel du "gaga"
Mais décortiquer la vie du chorégraphe (voix off souvent) bien plus que l'oeuvre; plaquer sur le kaléidoscope fait de bribes de répétitions ou d'extraits de ballets, un commentaire qui obéit à une sorte de déterminisme ( voici l'illustration dansée de tel épisode vécu) est peu convaincant. Certes le vécu (ici comme en littérature) influe sur la création; mais l'art n'a-t-il pas vocation à le transcender?
Reste (outre bien évidemment la plasticité, l'énergie, la sensualité et la musique typiques de la Batshava Dance Company que certains découvriront grâce à ce film) un message d'optimisme, celui que propose le "gaga"; un langage corporel qu'enseigne Ohad Naharin aux professionnels tout comme aux amateurs "établir une connexion entre plaisir et effort par l'écoute de son corps, la conscience de l'espace, les sensations de notre chair, de nos vêtements; repérer nos atrophies et les dépasser; apprendre le mouvement de l'intérieur et non face à un miroir" etc.
"J'ai baptisé ma méthode de travail Gaga parce que ma mère m'a dit que c'est le premier mot que j'ai prononcé"
Ce message sera-t-il entendu?
Le chorégraphe avoue, dépité, que "Last Work" risque d'être effectivement sa dernière création (on ne peut créer là où prédomine le racisme !)
Colette Lallement-Duchoze