Film argentin de Ariel Rotter
Avec Erica Rivas, Marcelo Subiotto, Susana Pampin
Dans ce film intimiste en noir et blanc, deux forces en présence radicalement opposées créent la dynamique (même si le rythme est lent). Luisa jeune veuve et mère aimante, qui "survit" dans la torpeur et l'hébétude de la perte de l'être aimé; Ernesto l'homme charmant qui tente en la séduisant de construire avec elle une "nouvelle famille". Entre les deux, les "conventions sociales" de la bourgeoisie argentine des années 60, incarnées par la mère et la belle-mère. (une jeune veuve ne peut vivre seule avec ses deux enfants; il "faut" refaire sa vie ...même si l'amour et le désir ne sont pas au rendez-vous).
"L'homme charmant" cultive une certaine ambiguïté; il avoue sa "passion" quasi dévorante mais que penser de ses insistances déplacées, de ses audaces intempestives voire outrancières (la scène des photos dans laquelle il "impose" sa présence de futur père, celle de l'amphithéâtre où il exulte dans la mémoire de ses exploits de lutteur; la bague de fiançailles offerte qui "doit" remplacer l'alliance que porte Luisa, le ridicule quand il joue de la guitare)? Son "charme" serait-il vénéneux?
Luisa ne semble pas "maîtriser" la situation. Hantée par le souvenir, elle est comme manipulée, malgré ses réticences.... Et le jeu de l'actrice est étonnant de justesse: par un regard, une pose, un geste, une parole elle fait advenir ce mélange de pudeur d'angoisse de désolation et d'incertitudes.
Un long travelling arrière clôt le film; il semble enfermer sur elle-même cette famille "recomposée" telle une mise au tombeau... que Luisa n'aura pas choisie...
Si la beauté formelle est parfois sidérante (surtout le travail sur les lumières et sur les cadrages) la mise en scène est souvent glacée: parti pris du réalisateur de tenir à distance le spectateur?. On sera subjugué par la forme mais nullement "habité"....
Colette Lallement-Duchoze