Film chilien de Mauricio Lopez Fernandez
avec Daniela Vega (Elena) Rosalinda Ramirez , Claudia Cantero, Carmen Barros, Paulo Brunetti
Coya est domestique au sein d'une famille chilienne catholique et conservatrice. Dans la grande demeure bourgeoise, patrons et employés cohabitent sous le même toit. La mort du mari de Coya va occasionner une visite inattendue qui va bouleverser l'ordre apparent...
"Comment vas-tu t'habiller demain pour l'enterrement? demande Coya à sa fille Elena "j'ai un pantalon" "mais je peux te prêter une jupe elle t'irait bien"...La gêne et le refus de voir la réalité en face (son fils Felipe est devenu Elena ) qui avaient prévalu jusque-là, se résolvent dans l'acceptation (d'ailleurs le visage de la mère s'est enfin adouci et le regard qu'elle porte désormais sur son enfant dit la sérénité...) C'est à ce cheminement que le cinéaste nous convoque balisant le parcours d'un syllabaire où l'omniprésence de cloisons-fenêtres, miroirs, portes vitrées, loin d'être "transparente" renforce en fait une troublante "opacité". Celle de la fragmentation, du cloisonnement, celle de l'intimité que l'on tient à "protéger". C'est qu'il faut Voir à travers, être d'un côté ou de l'autre du miroir, Voir au-delà des apparences!!
Un long plan où l'enfant apprend à se servir d'un fusil guidé par la main d'un adulte sert de prologue; le coup a porté (on retrouvera en écho une scène similaire quand l'enfant s'empare du pistolet caché sous les mains jointes du mort). Est-ce un questionnement sur la masculinité qui ouvre le film? Peut-être...
Mais le cinéaste suggère plus qu'il n'explique, plus qu'il ne "montre": il aura suffi de quelques poses de quelques attouchements (certes irrigués de désir) pour que le spectateur découvre ce qu'il pressentait. (ce doute qui planait dès le début, dès l'arrivée d'Elena venue assister à l'enterrement de son père "rien n'a changé ici" affirmait-elle; et pourtant "ici" tout va changer). Dans cet univers, huis clos d'une maison bourgeoise où cohabitent maîtres et domestiques, nous verrons se déliter la "comédie" des "apparences" et se métamorphoser le regard que portent tous les protagonistes sur Elena et par voie de conséquence sur eux-mêmes (du moins les adultes car les enfants s'adonnent à leur exubérance naturelle).
Percer les mystères des non-dits -si nombreux- serait frappé d'inanité.
Mais se laisser porter par la lenteur, se laisser habiter par la délicatesse, en étant à la fois si loin, si proche !
Un premier film -qui aborde avec pudeur et sensualité les problèmes de la transsexualité et de "l'autodétermination"- à découvrir!
Colette Lallement-Duchoze