de Rodrigo Plà (Mexique)
Avec Jane Raluy, Sebastian Aguirre Boëda, Hugo Albores
Présenté en sélection officielle à Venise 2015
Comme dans La zona Rodrigo Pilà choisit la forme du thriller pour dénoncer des injustices criantes d'abjection (Un genre qu'il est désormais convenu d'appeler "thriller social"). Dans "Un monstre à mille têtes" c'est une compagnie d'assurances -métonymie d'ailleurs du capitalisme néo libéral- qui incarne inhumanité, corruption, un monstre qui préfère sacrifier ses adhérents, au nom de la rentabilité. C'est ce que découvrira Sonia Bonet, cette épouse pugnace, farouchement décidée à aller jusqu'au bout (braquage et prise d'otages inclus...).pour "sauver" son mari atteint d'un cancer; elle veut faire parapher son dossier par les autorités "compétentes" afin de mettre en place un protocole thérapeutique - très onéreux certes- qu'on lui refuse au nom de prétextes fallacieux-; alors qu'adhérente elle a toujours payé ses cotisations !!
Comme souvent les personnages répondent à des questions précises (hors champ) en expliquant (en voix off aussi) ce qu'ils ont réellement vécu, accusant ou disculpant Sonia, et qu'ils jouent avec une certaine impassibilité, on a l'impression que le film se donne à lire comme une reconstitution lors du procès... Cette simultanéité entre une situation en train de se vivre et son commentaire censé être postérieur, contribue à multiplier les points de vue; une pluralité qui a aussi l'avantage d'établir une certaine distance avec les émotions de Sonia et ainsi de ne pas enfermer le spectateur dans son seul et unique point de vue (quand bien même c'est elle qui, arme au poing, tient à distance les protagonistes depuis le médecin coordonnateur qui refuse d'examiner le dossier et ce faisant, de donner son aval jusqu'à la plupart des représentants de la hiérarchie de la compagnie/mutuelle d'assurances). Multiplicité qu'illustrent aussi ces effets spéculaires : le jeu constant de reflets, de miroirs, de vitres/écrans, de portes que l'on franchit avec difficulté, comme dans un labyrinthe. À cela s'ajoutent les fondus ou le recours aux filtres comme pour signifier que cette "spirale dans la violence" c'est aussi le chaos et la confusion (confusion tentaculaire du "monstre", confusion des sentiments chez Sonia ce que lui reproche au début son fils complice Dario, et que le spectateur perçoit dans la scène de l'ascenseur par exemple et au final quand dans la position d'une pietà elle caresse son fils en répétant "ça va s'arranger"...)
Dans cette course dédaléenne menée au pas de charge, Sonia incarne le combat (perdu d'avance?) du "faible" qui ose s'attaquer à un "monstre" jusque-là invincible, le combat de l'humain contre la dérive barbare qui l'a annihilé!
Encore un film "coup de poing" de ce réalisateur qui met au service de sa lutte, une mise en scène innovante, (ne serait-ce que par cette maîtrise époustouflante des cadres, le refus de changement brusque de caméra quand bien même on "change" de point de vue...)
Un film servi par la talentueuse Jana Raluy!
Un film à ne pas rater!!
Colette Lallement-Duchoze
D'accord avec Colette. Ce thriller ne recherche pas le sensationnel, il est tourné à hauteur d'une femme aimante, ordinaire mais déterminée. Combat de justicier quand le système est pourri et qu'il faut aller vite, que nous reste-t-il sinon l'action individuelle désespérée pour obtenir gain de cause juste ?
La critique de Télérama, Guillemette Odicino, n'a rien compris qui parle d'une "Mexicaine en proie à l'absurdité de l'administration" ! alors que ce film est la dénonciation évidente de ce qu'est une sécurité sociale privée qui n'obéit qu'à la loi du profit.
Le spectateur ne peut pas oublier les tentatives qui sont faites en France de privatiser la santé et qui aboutiraient à des situations dramatiques si bien exposées dans ce film, avec force et sobriété
Serge 6/04/2016