De Lars Kraume
avec Burghart Klaussner, Ronald Zehrfeld, M. Schenk
Argument: en 1957 le juge Fritz Bauer apprend que le criminel de guerre nazi Adolf Eichmann se cache à Buenos Aires. Alors que les tribunaux allemands préfèrent tourner la page plutôt que le soutenir, Fritz Bauer décide de contacter le Mossad, les services secrets israéliens
"Louables" intentions!! .Mettre en évidence l'ambiguïté voire l'irresponsabilité de l'état fédéral allemand (RFA); juste après la fin de la Seconde guerre Mondiale, le chancelier Konrad Adenauer songe plus à la reconstruction économique de son pays, à "pactiser" avec Israël nouvellement créé, qu'à faire le procès des ex nazis – or certains occupent des postes ministériels, d'autres gangrènent le monde judiciaire, d'autres enfin se sont reconvertis dans l'industrie !!! Et le titre original "Der Staat gegen Fritz Bauer" (l'Etat contre Fritz Bauer) dit explicitement l'obstruction (à tous les niveaux) à laquelle ce procureur général dut faire face dans sa démarche de "justicier". Rectifier aussi une vision de l'histoire qui faisait la part belle au Mossad; les services israéliens ont certes capturé Eichmann en Argentine mais …ce fut grâce aux informations livrées par Bauer, lui le véritable initiateur du procès d'Auschwitz. ( la séquence, très courte, du kidnapping d'Eichmann rappelle étrangement celle du film Hannah Arendt...mais son traitement est nettement moins habile). Le film se concentre ainsi sur cet épisode (nous sommes en 1957) censé illustrer la personnalité, la pugnacité de ce personnage autoritaire et hargneux pour en faire "un héros"...(sens littéral du titre français). Son héroïsme? Outrepasser ses compétences ("pour sauver son pays il faut savoir le trahir") enfreindre les lois fédérales "ne pas poursuivre un individu pour les crimes commis en application d’ordres reçus". Seul sur l'échiquier politique et judiciaire, il a fait appel aux services du Mossad pour arrêter Eichmann. Mais son voeu d'une justice sans compromis Que les jeunes Allemands nés après la guerre aient le courage qui a manqué à leurs aînés afin d’arrêter et de condamner les criminels de guerre.(un extrait de l'entretien "authentique" ouvre d'ailleurs le film), ne se concrétisera pas...
Une histoire suffit-elle à "faire un film"? et c'est là où le bât blesse : dans la façon de filmer une reconstitution qui se veut "historique". Comme pour l'essentiel Fritz Bauer, un héros allemand, nous plonge dans des intérieurs (lieux par excellence des "discussions", des décisions, des manœuvres secrètes) les personnages évoluent dans des décors où suinte l'artifice; il en va de même pour les vêtements les coiffures (ah le postiche de Burghart Laussner !! acteur qu'on peine à reconnaître, même vieilli, lui l'interprète du pasteur dans le film de Hanecke "le ruban blanc"), des plans serrés trop insistants (surtout dans les duos Bauer et Angermann son procureur adjoint et seul complice), abus des champs/contrechamps; personnages secondaires (avec leurs rictus "nazis") à la limite de la caricature, les sonorités jazzy censées évoquer les films noirs des années 40 50 sont comme artificiellement plaquées.. etc.
Un bémol toutefois: il faut reconnaître une certaine audace dans le traitement de l'homosexualité quand on sait que dans les années 60 la répression policière sévissait en s'appuyant encore sur une législation nazie...non abolie... (Angermann pris en "flagrant" délit doit choisir entre la délation et la prison!)
Du cinéma? Non Un téléfilm? Peut-être
Colette Lallement-Duchoze