Film d'animation réalisé par Charlie Kauffman et Duke Johnson
Voix de Jennifer Jason Leigh, Tom Noonan, David Thewlis.
C'est quoi la douleur? C'est quoi être humain? c'est quoi être vivant? Telles sont les questions que pose Michael Stone, auteur du best-seller Comment puis-je vous aider à les aider ", lors de sa conférence pour personnels de hotline. Celle-ci fera l'objet de l'avant-dernière séquence de ce film d'animation en stop motion (technique d'animation image par image permettant de créer un mouvement à partir de prises de vues fixes); film pour le moins original, sur la standardisation des rapports humains...
C'est à l'hôtel Fregoli que Michael Stone descend à Cincinnati pour sa conférence prévue le lendemain. Or si un hôtel est un lieu neutre et aseptisé, ici le patronyme renvoie au syndrome du même nom- délire paranoïaque qui affecte un individu persuadé que le monde est une seule personne qui le persécute. Et de fait tous les personnages rencontrés ont le même visage, la même voix (les traits des "marionnettes" sont à peine dessinés et c'est la voix de l'acteur Tom Noonan que l'on entend, qu'il s'agisse de la femme et du fils de Michael , du chauffeur de taxi, du gérant de l'hôtel, du groom, de l'amante délaissée invitée à prendre un verre, du vendeur de sex-shop, etc...). Pas de doute, pour le réalisateur Charlie Kauffman ce syndrome serait la métaphore de notre monde moderne...
Dépressif ce quinquagénaire ? La séquence du cauchemar kafkaien– si étonnamment rendue avec ce masque qui explose du visage, le cheminement jusqu'aux profondeurs de l'hôtel, le recours à une voiturette de golf, le carré rouge qui s'ouvre dans les abysses du néant, la course effrénée au retour-, ainsi que les gros plans sur son visage et ses yeux hagards le prouveraient aisément. Mais une conviction l'habite: il y a quelque chose d'unique en chacun. Et c'est Lisa cette jeune femme complexée et timide, rencontrée le soir à l'hôtel qui l'incarne; or ne serait-ce pas précisément une anomalie?? (anomalisa étant la contraction du nom commun et du nom propre). La scène d'amour qui scelle l'humanité retrouvée est bouleversante par son mélange de réalisme de pudeur et d'humour! Mais ne serait-ce pas une simple parenthèse dans le parcours chaotique du personnage?? la preuve que le Bonheur est fugitif ?
Colette Lallement-Duchoze
PS comme la bande-son du prologue (brouhaha et rires) est reprise dans le générique de fin; comme in fine vont défiler sur l'écran les paroles "éclairantes" d'une chanson , avis aux spectateurs: ne pas quitter la salle trop tôt!!!
Film intéressant et pessimiste.
J'y ai vu surtout , en dehors de l'aspect paranoïaque bien souligné par Colette, le constat d'un monde terriblement formaté. Tous ces dialogues réalistes, très justes, renvoient à un monde unicolore, que nous connaissons tous. La vie ne serait elle que la répétition de scènes banales, conformes à notre univers social ? Attitudes clichés (cette Lisa avec ses mimiques très middle classe américaine), qui provoque l'ennui, et peut effectivement conduire à une conscience aiguë d'un monde en copié collé déprimant. Chacun se reconnaîtra dans cette aventure. Le tour de force d'utiliser des personnages animés pour rendre cette sensation d'aliénation culturelle est à souligner.
Serge 8/02
C'est ce que je formulais avec cette expression délibérément "cliché" : standardisation des relations humaines; le syndrome de Fregoli lui servant de métaphore...
Lisa, vendeuse d'Akron fait peut-être"middle-class" , mais dans le film elle tranche sur les autres et c'est cette singularité, cette ingénuité désarmante qui "séduisent" Michael et le guérissent pour un court instant de son taedium vitae
Colette 9/02