Documentaire expérimental réalisé par Andy Guérif
Maesta la passion du Christ, c'est la face postérieure couronnante du retable de Duccio di Buoninsegna, peintre siennois (1225- 1319), (la face antérieure couronnante étant consacrée à Maesta La Vierge en majesté, entourée d'anges et de saints). Soit 26 panneaux qui narrent en l'illustrant, la "passion du Christ" depuis l'arrivée à Jérusalem jusqu'au chemin vers Emmaüs en passant par la Cène, la trahison de Judas, la Crucifixion etc...
Le prologue est consacré au panneau central "la crucifixion" -celui qui s'impose à qui regarde l'oeuvre dans sa globalité- (mais voir des Romains ajuster la croix dans l'espace, bien différencier celle du Christ de celles des deux autres crucifiés, alors qu'une bande-son restitue les cris de douleur à mesure que les clous s'enfoncent dans la chair et les os, peut prêter à sourire.....)
Une heure durant, la surface du polyptyque envahit tout l'écran; les différents panneaux vides, vont s'emplir progressivement de présence humaine à l'instar de split-screen (soit plusieurs écrans sur un même écran); les acteurs et figurants parés des vêtements aux formes et couleurs du retable d'origine, entrent dans le cadre, se meuvent, se parlent (mais on n'entendra qu'un brouhaha d'où s'échappent parfois des bribes de conversation à l'anachronisme plaisant ); puis ils vont se figer donnant l'illusion de l'original ainsi revisité, avant de "disparaître" d'un panneau et d'emplir le suivant (deux toutefois sont habités pendant toute la durée du "film" par des hommes qui fabriquent le tombeau)
À l'époque de Duccio on ne connaissait pas encore la perspective: on voyait des "images" et non des espaces; le réalisateur a tenu à respecter ces proportions différentes en "fabriquant l'espace de la peinture comme on la voit au XIV° siècle" : ainsi une table trop inclinée (La Cène) ou une entrée toute petite (premier panneau entrée à Jérusalem)
Pour réaliser ce "documentaire expérimental", Andy Guérif a "recréé" un à un chacun des panneaux dans un atelier; il a tourné séparément; chaque décor ne servant qu'une fois. Au montage final "chaque panneau fut placé l’un à côté de l’autre pour retrouver les déambulations des personnages. L’effet général donne une impression de plan séquence ou, pourrait-on dire, il s’agit de 26 petits plans séquence mis ensemble"
Si l'on se fie aux propos du réalisateur plasticien angevin, "Nous ne sommes pas dans une fiction de cinéma au sens classique du terme mais devant une peinture" on serait tenté de conclure que Maesta la passion du Christ serait, stricto sensu, plus destiné à une exploitation muséale
Mais un public de salles, amoureux des arts et des lettres, n'est-il pas à même d'apprécier une telle "expérimentation"??
Colette Lallement-Duchoze