Premier long métrage de Pengfei Song (2014)
Avec Ying Ze, Luo Wenjie, Zhao Fuyu, Lin Xiaochu
Prix Fedeora meilleur film à la Mostra de Venise
Argument: Beijing. (Pékin) 23 millions d’habitants et une croissance urbaine démesurée. Sans cesse des quartiers sont détruits et reconstruits pour la nouvelle classe moyenne. Pour gagner sa vie, Yong Le récupère des meubles usagés dans les maisons abandonnées. Xiao Yun, elle, danse dans un bar. Tous deux habitent la « ville souterraine » et rêvent d’en sortir. Jin, lui, a sa maison. Il rêve pourtant d’ailleurs. Son quartier va être détruit. Il a accepté de partir mais il doit d’abord vendre sa maison à un prix décent. Trois rêves, trois destins, trois histoires de la ville. De la Chine d’aujourd’hui.”
Ne pas trop se fier au pitch ...
Certes Jin rêve de vivre dans une résidence de luxe (des extraits d'un film publicitaire sur grand écran en proposent une vision idyllique), lui et sa femme attendent depuis plus de 8 ans de vendre à un prix honorable leurs biens, et ils seront les victimes -naïves?- des magouilles immobilières. Certes l'omniprésence de grues et de gravats sur les lieux où Yong récupère du mobilier usagé, montre efficacement les chantiers incessants de destruction / reconstruction ainsi que le rôle d'investisseurs corrompus. Certes, 3 destins vont s'entrecroiser, se croiser (c'est Yong qui nous conduit auprès de Jin, c'est Jin qui remplace Yong au volant de sa camionnette; Yong et Xiao Yun se côtoient se cherchent dans les entrailles labyrinthiques de la Ville). Et ces trois personnages sont habités par le rêve d'un ailleurs!
Mais le film nous plonge surtout dans les bas-fonds; ces ex abris anti-nucléaires construits à l'époque de Mao; nous pénétrons dans les entrailles de la méga(lo)pole où "survivent" les laissés-pour-compte du fameux "miracle chinois"; et plus particuliérement Yong Le et Xiao Yun
Il faut sans cesse marcher tête baissée, se recroqueviller, pour arpenter ces ruelles glauques afin de retrouver un semblant de "chez-soi" minuscule, il faut affronter la promiscuité (sanitaires communs), devenir malgré soi un "muridé "; une séquence toutefois illumine de joie ces ténèbres quand plusieurs "locataires " partagent des agapes!
Instantanés, caméra fixe souvent, maîtrise des cadrages, dialogues minimalistes, va-et-vient entre les abîmes souterrains et un extérieur saturé de gravats, ou un extérieur qu'emplit une foule compacte, ramassée en un grand corps indifférencié; un va-et-vient qui se double d'un "mouvement" dialectique le bas et "l'en-haut", le noir et la lumière, la dure survie souterraine et le rêve d'un "ailleurs": tel est le choix de Pengfei Song, ce jeune réalisateur né en 1982 aussi doué que certains de ses devanciers!
Douloureuse solitude que nous découvrons par petites touches, Beijing Stories se donne à voir comme un film "d'atmosphère" ... à la fois réaliste et humain (malgré l'individualisme forcené dont rend bien compte la scène d'inondation obligeant les "locataires" à quitter provisoirement les lieux...)
Colette Lallement-Duchoze