De Otar Iosseliani (France, Géorgie)
Avec Rufus (concierge), Amiran Amiranashvili (anthropologue), Mathias Jung (préfet), Enrico Ghezzi (baron), Altinaï Petrovitch-Njegosh, Pierre Étaix, Tony Gatlif, Mathieu Amalric...
Le titre qui fait référence à une chanson géorgienne "c'est l'hiver, ça va mal, les fleurs sont fanées, mais rien ne nous empêchera de chanter" est censé donner le ton et la tonalité: mélancolie et légèreté.
Et de fait ce film juxtapose allègrement les époques et les lieux en jouant avec la temporalité :un vicomte guillotiné la pipe au bec...au temps de la Terreur, c'est la scène d'ouverture; puis sans transition nous voici sur un "champ de bataille" en Géorgie où les "soldats" sont d'affreux pillards; et nous vivrons le quotidien d'une "faune" pittoresque dans un arrondissement parisien d'aujourd'hui.
Le réalisateur a opté pour une structure binaire et une forme "chorégraphiée".
Voici deux amis (le concierge et l'anthropologue), deux patineuses à roulettes cleptomanes; deux instrumentistes (violoniste et violoncelliste); un mur et son au-delà (quand s'ouvre la porte du rêve), les sans papiers et les migrants opposés aux représentants de l'ordre qui les répriment (au rouleau compresseur); potentat local (le baron) dégoulinant de lucre, de luxure et prostituée exploitée; livres troqués contre des armes; réversibilité de la mort et de la vie (tête guillotinée "récupérée" par l'anthropologue; bague volée sur le corps d'une défunte offerte comme gage amoureux).
La chorégraphie? Celle bien rythmée des patineuses qui dans les rues et sur les trottoirs parisiens détroussent les passants, et sont relayées par des complices collecteurs des larcins...(ballet satirique de notre société??? ); celle de rituels qui obéissent à une liturgie même si celle-ci est "déviée" : le baptême dans l'eau où l'officiant n'est autre qu'un gradé/aumônier tatoué -l'ex-vicomte du début; la "théorie" des chiens empruntant les passages cloutés; etc. etc.
On sourit aux facéties sans s'esclaffer, on est surpris par les audacieux raccords de ce cinéaste octogénaire. Mais le "coq-à-l'âne loufoque"'revendiqué, érigé en valeur suprême, tout autant d'ailleurs que les "ficelles" de la narration (presque tous les personnages de la "chronique parisienne" habitent le même immeuble...) finissent par lasser...
Resterait la vision -genre conte féérique- du jardin édénique....
Jardin dont la sérénité est bien vite perturbée par la sonnerie intempestive d'un téléphone portable!!
Colette Lallement-Duchoze