Film d'animation réalisé par Jan Bultheel (France Belgique Pays-Bas)
avec pour la version française les voix de Benoît Magimel (Jean Mordant le lutteur), Jean-Hugues Anglade (Victor le coach) , Julie Gayet (Jelena)
Le réalisateur Jan Bultheel s'est inspiré de l'histoire authentique du régiment d'élite belge ACM (autos-canons-mitrailleuses). Les faits: lors de la Première Guerre Mondiale, la Belgique envahie par les armées prussiennes va rejoindre la Triple Entente (menée par la France la Russie et le Royaume-Uni contre le Kaiser Guillaume II), et elle crée la première unité blindée du monde -(des photos en attesteront l'authenticité dans le générique de fin).
Cette histoire Jan Bultheel la transpose sur un mode fictionnel, afin de rendre hommage à ces "Belges qui se sont engagés et qui ont vécu une aventure incroyable mais peu connue" et pour ce faire, il a eu recours (entre autres) à la "capture de mouvement" ou mocap: filmer des acteurs flamands interprétant leurs rôles couverts de capteurs.
Cafard c'est le surnom du blindé des "héros": le lutteur J Mordant (doublé par Benoît Magimel avec un formidable accent belge) le coach Victor (doublé par Jean-Hugues Anglade) et le neveu. Mais le motif de l'engagement n'a rien de "patriotique": Jean Mordant veut "tuer de l'allemand" afin de venger l'honneur perdu de sa fille unique violée par des soldats. S'ensuit une odyssée pas forcément héroïque autour du monde qui durera 4 ans - d'Ostende à Saint Petersbourg, puis retour forcé (il y eut entretemps la Révolution russe; or les blindés "étaient" du côté des tsars..) par la Mongolie, la Californie, avant de rejoindre Ostende par bateau.
Bien sûr, le film d'animation destiné essentiellement aux adultes dénonce les ravages et l'absurdité de toute guerre; mais il repose en ce qui concerne la dramaturgie sur l'évolution du personnage principal Jean Mordant; nous le voyons d'abord au sommet de sa gloire (le prologue oppose deux séquences: le viol de sa fille à Ostende, et la cérémonie qui consacre le champion de lutte en Argentine) puis il va peu à peu évoluer suite à toutes les épreuves endurées, comparables à un calvaire; au final il trouvera un nouveau sens à son existence!!
Nul ne contestera la beauté des aplats et d'un certain graphisme minéral. Toutefois il y a trop souvent un aspect "pataud" (dû surtout au pathos omniprésent!). Objets anguleux, visages et corps massifs (certains) à la Gromaire, couleurs contrastées: vert sombre et jaune intense (épisode mongol) rouge feu (ballet russe à Paris, dégâts dus à la guerre) blanc intense (neige) ou grisâtre (panache de la fumée du train), bande-son trop souvent illustrative, simplisme manichéen (Bolcheviks forcément sanguinaires par exemple), tout cela fait que l'on sort de la séance avec un sentiment très très mitigé....
(ce qui ne remet nullement en cause les intentions louables du réalisateur et sa maîtrise de la technique "mocap")
Colette Lallement-Duchoze