De Jayro Bustamante (Guatemala)
Avec Maria Mercedes Croy Manuel Antun
Ours d'argent Alfred Bauer - Festival de Berlin 2015
Peut-on échapper à son destin? Maria, jeune Cakchiquel, qui vit avec ses parents pauvres sur les flancs d'un volcan, est promise à Ignacio, le contremaitre de la plantation de café. Mais la jeune maya rêve de partir avec El Pepe aux USA, loin de la dureté, de l'immobilisme de sa vie ici sur les hauteurs volcaniques. Donner son corps et le rêve d'un ailleurs, par-delà, au-delà du volcan serait exaucé!!!!
Le monde des paysans mayas tel que le filme Jayro Bustamante frappe par sa noblesse d'âme, son respect des croyances millénaires (la grossesse d'abord refusée et combattue sera acceptée au nom d'une sagesse ancestrale), sa calme soumission au labeur, gage de survie; un peuple qui parle peu (d'où l'absence de dialogues souvent). Égaré dans le monde urbain dont il méconnaît les codes et la langue, il sera la proie facile de traducteurs malhonnêtes....
Dans cette famille mononucléaire c'est la femme qui exerce une sorte de matriarcat. C'est elle qui transmet le savoir à son unique fille. Une mère tendre compréhensive et autoritaire tout à la fois. Filmées de près (belle scène où les deux corps nus s'enlacent lovés dans un bain de vapeur) la mère et la fille suscitent l'empathie. Et les travailleurs saisonniers font corps avec cette région qui "sent le café et le volcan". Aux senteurs se mêlent les bruits et les couleurs (contrastes ou correspondances entre l'anthracite du paysage mêlé de poudre et les vêtements très colorés ou sombres).
Le film s'ouvre sur le visage de Maria en gros plan; il a la beauté étrange impassible d'un masque; celui de la tragédie tandis que la mère aimante va le parer de la coiffe traditionnelle, silence et liturgie!. Et c'est sur un plan quasi identique que se clôt le film. Entre les deux, que de chemin parcouru! Que d'espoirs brisés!
Par un jeu d'analogies et sa science des cadres le réalisateur dépasse l'aspect "purement" ethnologique. Un plan-séquence au début du film où l'on gave d'alcool les porcs afin de faciliter l'accouplement -lequel restera hors champ alors que retentit le cri primal de la bête-, dépasse la portée documentaire; nous le voyons à travers les yeux de Maria qui établit d'évidentes analogies avec l'espèce humaine... Des plans en contre-plongée sur les personnages debout sur un roc noir au flanc de la masse anthracite épousent une forme d'interdépendance entre volcan et monde des hommes. La passion (de la chair entre autres) est vécue telle une force qui sourd des entrailles du volcan; il en serait de même de la piqûre du serpent. Après des péripéties dramatiques, Maria semble toucher le "fond de l'horreur". Mais précisément c'est du fond des entrailles de cette chair meurtrie, que resurgira la volonté de "vivre". Blottie auprès de ses parents aimants, blottie dans le creux du volcan!
Colette Lallement-Duchoze