Documentaire réalisé par Hubert Sauper Autriche France
"Vous saviez que la lune appartient aux Blancs"? un vieillard
"Nos enfants ou nos arrière petits-enfants ne se laisseront pas faire, ce sont des humains comme vous, ils sont intelligents et dignes." Célestine
Voici un plan où trottinent par milliers des fourmis -et leur procession établit comme une ligne de démarcation; puis voici un enfant vu de dos qui avance nu sur une piste, c'est le prologue.
Le réalisateur en posant son biplace (qu'il a conçu pour avoir l’air inoffensif et ridicule) va poser un regard très affûté sur ce qui sera présenté comme une fourmilière....
Nous sommes au Sud Soudan juste après le référendum (de brefs rappels sur Fachoda, le partage de l'Afrique, la colonisation; le référendum de 2011 qui séparera le Soudan Nord (musulman) du Soudan sud (chrétien). La guerre civile sanglante entre partisans du président Salva Kiir (l’homme au chapeau texan, catholique) et ceux du vice-président Riek Machar (presbytérien) sera évoquée à la fin du film (images dont le réalisme trash n'est pas sans rappeler le précédent documentaire "le cauchemar de Darwin)
Ce qui intéresse le "baroudeur" Sauper, c'est d'objectiver en la mettant en images, la pérennisation d'un système colonial qui ne dit pas son nom. Et l'on verra défiler tous les néo-prédateurs: Chinois (pour le pétrole), Américains, entrepreneurs, évangélisateurs -tous animés de "bons sentiments" (c'est qu'ils sont venus en amis n'est-ce pas?). Filmés de face ou en groupe (lors d'une inauguration célébrant les vertus et bienfaits de la "lumière"), le visage toujours souriant et le discours bien rodé, ils incarnent un fléau dont les victimes paieront le prix fort. La terre de nos ancêtres, la terre de nos morts ne nous appartient plus. Nous n'avons plus rien! Certaines autorités locales, elles, avaient pactisé "nous vous donnons gratuitement nos terres en échange de l'eau potable, et de la construction d'aéroports qui occupera de la main-d'œuvre"! quand on sait -sans être expert -que eau électricité seront utiles dans l'exploitation des réserves d'or...
Parmi des scènes à peine croyables retenons celle-ci: une "dame de charité" (texane?) outrée par la nudité des enfants (quelle horreur!!) va imposer le port de chaussettes blanches et de sandales en plastique à des gamins nus qui pleurnichent et gémissent, tant ils sont désormais entravés dans leur liberté de marcher!
La construction "fragmentaire" parfois "heurtée" qui procède souvent par juxtapositions peut dérouter; mais n'épouse-t-elle pas la diversité des lieux, des moments et des rencontres - villages, écoles, meetings, bars, studios, usines, etc.?
Comme dans "le Cauchemar de Darwin" certaines vues aériennes (Lac Victoria magnifié aux dimensions océanes dans Le cauchemar; ici savanes et forêt magnifiées dans leur beauté tellurique ) et certains cadrages (mettre en exergue des détails qui disent la pollution la misère ou l'horreur du quotidien) prouvent aisément qu'un documentaire c'est une œuvre cinématographique à part entière!
Colette Lallement-Duchoze