Film de Jacques Audiard
avec Anthonythasan Jesuthasan (Dheepan) Kalieaswari Srinivasan (Yalini) , Claudine Vinasithamby (Illayaal) Vincent Rottiers (Brahim)
musique Nicolas Jaar
Palme d'Or festival de Cannes
Voici un film brûlant, ténébreux souvent, servi par deux acteurs inconnus au jeu talentueux. Mais...
Prologue: nous sommes au Sri Lanka; Dheepan, le personnage éponyme, jette son costume de guerrier tamoul sur le bûcher où se consument ses frères!! Après la forêt (le son amplifié, est censé multiplier les effets des crépitements, branchages et corps confondus) voici un camp de "triage" une femme Yalini cherche désespérément un enfant orphelin pour former avec l'homme inconnu une "famille"; simulacre efficace comme passeport pour l'ailleurs. Quel ailleurs? La France et plus particulièrement une cité, le Pré, comble de l'ironie! Ce sera l'essentiel du film. Dheepan est gardien, sa "fausse" épouse aide-ménagère tandis que la gamine Illayaal, est inscrite dans une classe spécialisée. Mais présenter une Cité vidée de ses habitants, uniquement investie et gangrenée par des malfrats qui tirent à balles réelles pour délimiter leur territoire sur fond de trafic de drogue, condamner ainsi les trois "migrants" à survivre dans un enfer, victimes d'une autre guerre, n'est-ce pas faire fi de certaines règles -toutes simples au demeurant: contextualiser par exemple- ; n'est-ce pas réduire le cinéma à une pure mécanique de récit ?? (on quitte un pays en proie à une guerre civile, on s'expatrie avec de faux papiers, on trouve du travail, mais on est victime d'une autre guerre, celle des gangs, d'abord on courbe le dos mais on va se révolter et nettoyer au karcher cet appendice urbain cancéreux; guerrier vaincu l'on fut, héros vainqueur l'on devient ...). Le cinéaste a beau répéter qu'il ne signe pas de films engagés, que les aspetcs politiques ne l'intéressent nullement; il n'empêche...Traiter ainsi un sujet si ancré dans notre réel, va immanquablement conforter certains dans leur idéologie de l''exclusion...
Et pour les scènes d'affrontement, comme à l'accoutumée, Audiard sort la grosse artillerie : violence saisie frontalement, virilisme, séquences de folle poursuite, rythme accéléré, sons amplifiés, gros plans sur des visages ensanglantés, raccords cut, etc...
Sa Cité ressemble donc à un décor de carton pâte tout comme le gazon en plastique dans l'épilogue londonien où lumière et sourires ont remplacé les ténèbres -même si elles étaient traversées çà et là d'humour et de tendresse, où la famille de parade est devenue une "vraie" famille... Or n'est-ce pas précisément ce que suggère l'affiche du film dans sa volonté racoleuse (mercantile?) de ne surtout pas "choquer", en réduisant l'intrigue à la trajectoire "d'un récit familial"?
Colette Lallement-Duchoze