Film de Radu Jude (Roumanie)
Avec Teodor Corban, Toma Cuzin, Alexandru Dabija
Ours d'Argent du meilleur réalisateur au festival de Berlin
"Western" valaque et "picaresque", au format scope, en noir et blanc et en costumes !, Aferim nous plonge dans la Roumanie du XIX° ou plutôt la Valachie 1835 (car la Roumanie en tant que telle naîtra en 1859 par l’union de la Valachie et de la Moldavie). Les deux hommes à cheval (le brigadier Costandin et son fils Ionita) tels des "chasseurs de primes" recherchent un esclave gitan qui s'est enfui (il aurait "séduit" la femme du potentat local) et dans leur traque que d'espaces parcourus! que de rencontres inopinées ou non (c'est l'aspect picaresque)!
Le réalisateur fait alterner les pauses dans des villages ou des intérieurs (cf. l'inénarrable séquence de la taverne!!) et les duos père/fils chevauchant dans des immensités, filmées en larges panoramiques. On entendra tout au long du film des propos vulgaires et venimeux sur la haine de l'autre, le sexisme, la xénophobie, soit toutes les formes de racisme tandis que vénalité et poltronnerie font bon ménage (les réticences du fils à livrer Carlin l'esclave capturé, car il le sait innocent et beaucoup plus "cultivé" que tous les personnages rencontrés) resteront des vœux "pieux". La séquence d'émasculation illustre le triomphe de la barbarie dont la cause est à chercher dans un racisme primaire, une vengeance primitve! Au XIX° le "gitan" c'est le "corbeau" (à cause de son teint), un sous-homme juste bon à être exploité par les potentats certes mais aussi par la population locale.... En écho on devine la dénonciation satirique du racisme dont sont victimes aujourd'hui les "Roms"!
Aphorismes, jurons, images, le père s'exprime avec verve et faconde; un pope haineux voue aux gémonies tous les peuples car différents; quant au mari "trompé", il s'inspire de la Bible. Or d'après le générique de fin (qui souligne l'importance de la documentation) le réalisateur n'a pas "inventé" de tels propos essentialistes. Et certains individus, aujourd'hui, s'en gargarisent encore et encore!!
Comédie loufoque ou fable outrancière, peu importe, Aferim (qui signifie bravo, en turc) aura le "mérite" de remonter aux sources du Mal!
Aferim: une "leçon d'histoire" plus que salutaire!
Colette Lallement-Duchoze