de Stéphane Brizé
Avec Vincent Lindon (Thierry) Karine de Mirbeck (sa femme) Xavier Mathieu (délégué syndical) et des acteurs non professionnels
chef opérateur Eric Dumont
Présenté en Compétition Officielle au Festival de Cannes 2015
Prix d'nterprétation masculine décerné à Vincent Lindon
"On ne me l’a pas dit" "On aurait dû vous le dire, je sais". C'est sur un entretien d'embauche que s'ouvre le prologue; entretien qui met en lumière les failles, les aberrations (délibérées) d'un système: car pour bénéficier de ses indemnités, le chômeur est dans l'obligation d'effectuer des stages même s'ils sont inutiles, même (et surtout) s'ils ne déboucheront pas sur un contrat d'embauche ("nous étions 15, et 13 sont dans mon cas" répète Thierry -formidable Vincent Lindon). Tout (ou partie) vient d'être évoqué, tel un message subliminal, sur "la loi du marché" , sa cruauté, et particulièrement sur l'aspect dédalien de Pôle Emploi (n'en déplaise à l'ex présidente du Medef)
Stéphane Brizé fait alterner scènes d'entretien, séquences plus intimes en famille (Thierry sa femme et leur enfant handicapé) ou scènes de loisirs (cours de danse); dans la deuxième partie, aux séances d'entretien se substituent les séquences sur le lieu de travail : un supermarché où Thierry a accepté d'être vigile, donc être à l'affût de clients ou d'employés (les caisisères particulièrement) qui osent commettre des larcins ou autres petits arrangements... Et c'est là qu'éclatent au grand jour les pratiques odieuses des grandes surfaces (la scène où le DRH, suite au suicide d'une employée, tient à "déculpabiliser" l'entreprise en minimisant ses torts, est le comble du cynisme; et l'enterrement celui de l'hypocrisie!)
On comprend que le film se veut être une approche quasi documentaire de la réalité, celle du monde du travail. Mais le recours à des plans séquences (en temps réel) souvent trop longs (cf la vente du mobile home), aux plans très rapprochés ou gros plans (visage, nuque, buste) censés enfermer le personnage en sa conscience, aux raccords parfois "cut", font que ce témoignage social perd quelquefois en efficacité... (et ce, même dans les scènes où sont filmés, comme à huis clos, les "fauteurs" que le vigile vient "d'épingler" grâce aux écrans de surveillance !!!) Un bémol: la toute dernière scène où Thierry (devenu à son corps défendant le valet d'un capitalisme sauvage qu'il abhorre) quitte définitivement l'habit de vigile; il n'endossera plus la fonction délétère qui avait assuré momentanément sa "survie" (matérielle); rythme rapide, solitude d'un personnage réduit à une silhouette à peine floutée. Écran noir!
Au moins ce film -loin des querelles oiseuses à propos d'un éventuel plagiat: Brizé copiant Deboosère- a le mérite de rendre palpable la "loi du marché" : ce libéralisme dévastateur qui a contaminé notre quotidien en ses plus minuscules recoins...
Colette Lallement-Duchoze