De Lisandro Alonso (Argentine, Danemark, Mexique, France, USA, Brésil)
Avec Viggo Mortensen, Ghita Norby, Viilbjork Malling Agger
musique de Viggo Mortensen
Présenté à Cannes (un Certain Regard)
Jauja terre mythique? édénique? "Tous ceux qui ont essayé de trouver ce paradis se sont perdus en chemin" : c'est le prologue avec son encart qui résonne comme une mise en garde: il y a la légende; il y a cette fiction qui risque elle aussi de dérouter le spectateur. Et d'abord le choix du format 1,33; contrastant avec le décor (ces immensités de la Patagonie que va parcourir le capitaine, d'abord à cheval puis à pied) ne contribue-t-il pas à souligner l'enfermement du personnage dans sa quête? Obnubilé par la disparition de sa fille il oublie la mission qui l'a conduit du Danemark en Argentine, et téméraire il affrontera seul les forces vives de la nature!
Plans fixes, rares mouvements de caméra, peu de dialogues; une façon de filmer en harmonie avec le thème, celui du dépouillement? (du moins à partir de la disparition d'Ingeborg)
Des cadavres affreusement mutilés rappellent le contexte (guerre contre les indigènes menée par l"Argentine fin XIX°) mais l'essentiel est ailleurs. La quête de l'inconnu bouleverse (voire anéantit) les repères spatio-temporels. rares indices pour marquer le passage de la lumière à la nuit; et la toute dernière séquence "déboussole" encore plus le spectateur en faisant cohabiter présent et passé, rêve et réalité (or dès la scène d'ouverture la conversation entre le père (capitaine Dinesen) et la fille (Ingeborg) portait sur le "chien" (notre) fil conducteur dans cet entremêlement...) Perte des notions d'espace? Filmé de face, de dos, de très près ou de très loin, le personnage traverse la champ de la caméra, s'évanouit puis revient, mais dans quelle direction ? A-t-il avancé? ou tourne-t-il en rond? -car les vastes plaines et les monts rocailleux sont comme "déréalisés" , les rochers apparemment "hostiles" jusqu'à cette anfractuosité où vit une femme/sorcière (?) avec ses chiens...et là tous les "délires" existentiels, psychologiques peuvent prendre corps!
Paysage réel et paysage fantasmé- ou intérieur? Chemin de croix faussement initiatique ? Le spectateur à l'instar du capitaine est invité à "pénétrer" dans les arcanes d'une fiction -qui se prête à une lecture plurielle (c'est presque un truisme...)
Un film déroutant, certes, hypnotique assurément, sauf pour certains spectateurs...
Colette Lallement-Duchoze