31 mars 2015 2 31 /03 /mars /2015 07:41

De Eugène Green (Italie) Avec Fabrizio Rongione, Christelle Prot, Ludivico Succio

 

 

La Sapienza

 

Pour "entrer" dans ce film et se laisser "habiter" il convient d'accepter les partis pris du cinéaste concernant la langue et la façon de filmer. Si la jeune Lavinia affirme "parler français me donne des forces" en s'adressant à Alienor, c'est qu'Eugène Green amoureux des langues latines, du français donne aux dialogues les tournures de la langue écrite très châtiée (dans les choix lexicaux, les constructions syntaxiques, le refus des gallicismes et des élisions), et il impose une diction qui peut nous sembler surannée ou "pédante" (prononcer toutes les liaisons, sonoriser les "e" muets, par exemple) l'acteur étant comme "extérieur" à son discours, (on devine bien sûr le refus de toute forme de "naturalisme" ou d'exubérance qui gangrènent tant de productions). Filmer en frontal les personnages (et parfois le regard de l'acteur Fabrizio Rongione qui fixe la caméra semble vous "transpercer"), travailler comme au cordeau chaque plan (deux verres vides avec en toile de fond le lac et c'est une nature "morte" qui s'impose à notre regard) chaque cadrage (dans la reconstitution de la dernière nuit de Borrimini seuls en gros plans des mains et des objets). Telle est bien la marque du réalisateur

Tout cela au service d'un double propos: sur l'architecture et la transmission (les deux thèmes majeurs du film selon le cinéaste), l'architecture, cet art de créer des vides destinés à accueillir la lumière; la transmission " base de toute civilisation". Dans le film s'insinuent parfois des incongruités assez triviales (le touriste australien et son outrageuse prétention; certains personnages de la Villa Médicis) mais elles sont destinées moins à faire rire (trop facile) qu'à participer (comme en négatif ou en creux) de/à ce propos.

Ainsi à l'instar du terme "sapienza" qui recouvre deux acceptions (l'église construite par Borrimini reproduite sur l'affiche du film et la sapience, latinisme qui désigne la "sagesse") le film opte pour la forme duale: au décor parisien du prologue (avec les lignes horizontales du périphérique et celles verticales d'immeubles) s'opposent les rives du lac Majeur (large panoramique où se confondent le bleu et la lumière); la relation maître et élève qui s'inversera en relation élève/maître; le montage parallèle (Rome et l'architecture baroque revisitées par Alexandre et Goffrado; les bords du lac Majeur pour la convalescence de Levinia assistée par Alienor); le réel et le fantastique (Alienor et la rencontre improbable d'un Chaldéen interprété d'ailleurs par le réalisateur; Alexandre et la "reconstitution" de la dernière nuit de Borromini) etc...

La musique de Monteverdi accompagne, souveraine, cardinale, le parcours "initiatique", de ces personnages! En quête...de la lumière...

 

Colette Lallement-Duchoze

 

J'ai eu l'impression en regardant ce film que Julien Green copiait Kaurismaki, Ozou et Rohmer pour essayer de donner du fond à sa métaphysique pâteuse. Mais copier ses maîtres n'est pas gage de réussite. Quête de lumière ? ...et puis après ?...De l'esbrouffe prétentieux, beaucoup de silences accompagnent ce film que la musique au final de Monteverdi ne vient pas rattrapper. On y bâille ! On y baîlle !...

Serge Diaz 31/03/2015

Le culte de la diction baroque (sonorisation des "e" muets", prononciation de toutes les liaisons) Eugène Green le pratiquait dès la fin des années 70 (avec sa troupe "théâtre de la sapience"...ça ne s'invente pas). Quant à son film, n'est-ce pas prétentieux de la part d'un spectateur (qui s'est ennuyé) de décreter que le réalisateur n'est qu'un imitateur? Quand bien même ce dernier se "réclamerait" de x ou y, il conviendrait de chercher plutôt du côté de Bresson pour l'exigence formelle et certes du côté de Rohmer pour la légèreté apparente; mais Kaurismaki??? Ah ce besoin d'étiqueter à tout prix (besoin de se rassurer...???) 

Colette mercredi 1/04

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Le culte de la diction baroque (sonorisation des "e" muets", prononciation de toutes les liaisons) Eugène Green le pratiquait dès la fin des années 70 (avec sa troupe "théâtre de la sapience"...ça ne s'invente pas). Quant à ses films, n'est-ce pas prétentieux de la part d'un spectateur (qui s'est ennuyé) de décreter que le réalisateur n'est qu'un imitateur? Quand bien même ce dernier se "réclamerait" de x ou y, il conviendrait de chercher plutôt du côté de Besson pour l'exigence formelle et certes du côté de Rohmer pour la légèreté apparente; mais Kaurismaki??? Ah ce besoin d'étiqueter à tout prix (besoin de se rassurer...???) Colette
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J'ai eu l'impression en regardant ce film que Julien Greene copiait Kaurismaki, Ozou et Rohmer pour essayer de donner du fond à sa métaphysique pâteuse. Mais copier ses maîtres n'est pas gage de réussite. Quête de lumière ? ...et puis après ?...De l'esbrouffe prétentieux, beaucoup de silences accompagnent ce film que la musique au final de Monteverdi ne vient pas rattrapper. On y bâille ! On y baîlle !...
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